La genèse de cette chronique est assez particulière pour moi, puisque j'avais découvert cette novella quelques semaines après sa parution en langue anglaise et avant même, donc, son prix Hugo. J'avais noté quelques impressions au fil de l'eau... sans jamais prendre le temps de me confronter à l'écriture d'une chronique. Et voilà que s'offre à moi une seconde chance désormais, avec cette traduction proposée par les éditions L'Atalante.
L'occasion peut-être aussi, en la relisant, de tâcher de mettre le doigt sur ce qui avait pu me retenir, me laisser sur une légère réserve, à l'époque de ma première lecture.
Difficile en effet de ne pas apprécier le monde brossé en quelques touches par l'autrice, de même que ses personnages, peu nombreux et complexes, et surtout cette volonté de ne pas prendre systématiquement les lecteurs par la main sur le chemin souvent cruel qui va se dévoiler peu à à peu à nous, après des premières pages en apparence tout en douceur.
La dynamique de l'intrigue et ses petits détails, ses répercussions politiques si l'on y songe, tout cela est à saluer. Pour autant, le caractère inéluctable de l'ensemble, ou l'impression de cet ordre qui s'en dégage, donne aussi parfois le sentiment que le tout se révèle somme toute prévisible. On suit ce récit avec un réel plaisir de lecture malgré donc une dureté sous-jacente certaine, l'autrice mettant à profit son cadre d'inspiration asiatique pour aborder des thèmes comme l'impérialisme, l'ethnocentrisme, etc... Là encore, c'est très bien exécuté même si attendu.
Il faut ainsi savoir s'abandonner à cette dimension d'histoire qui nous est contée en décalage plus que sur le vif, ce qui n'empêche pas de se sentir proche des personnages, présents ou évoqués, bien entendu. Le monde lui-même n'apporte toutefois finalement rien de bien nouveau à ce que la Trilogie de l'Empire, par exemple, proposait voilà plus de vingt ans, dimension magique plus présente mise à part. Depuis quelques années maintenant, les récits d'inspiration asiatique se font de plus en plus présents, en Jeunesse comme en fantasy "adulte". Celui-ci est joliment mis en scène, avec soin, mais voilà, à l'image de l'intrigue elle-même, pour le moment, il manque un petit soupçon de matière à se mettre sous la dent pour parler de véritable coup de cœur.
Nghi Vo nous offre une histoire calibrée avec méticulosité, narrée avec une grâce certaine, au propos pertinent, souvent touchante. Il manque juste, à mon sens, cette étincelle qui ne permet jamais à l'ensemble de s'embraser et de nous marquer au cœur justement. Mais c'est sans doute aussi ce que certains recherchent, une belle histoire intimisme et avant tout centrée sur elle-même.
— Gillossen