On avait découvert G. Willow Wilson avec le plus que sympathique (et pour tout dire, hautement recommandable) Alif l'invisible, publié en France chez Buchet-Chastel. Un ouvrage délicat et précieux, qui date mine de rien de 2013 (déjà !). Après avoir également percé dans le domaine du comics grand public avec Ms. Marvel chez Marvel et plus récemment son arrivée sur WonderWoman chez le grand concurrent DC, l'autrice revient aujourd'hui au roman, avec The Bird King.
Un roman situé au temps de la Reconquista (plus précisément à la fin de celle-ci), avec un (gros) soupçon de magie... évidemment, on pense un temps aux Lions d'Al-Rassan de Guy Gavriel Kay, quitte à chercher des correspondances géographiques. On s'aperçoit toutefois bien vite que l'on se retrouve avant tout dans la métaphore, avec des raccourcis parfois assez grossiers sur le plan historique. Les méchants inquisiteurs sont très méchants, mais ce sont bien quasiment les seuls. Il ne faut donc pas lire ce roman comme un ouvrage se voulant particulièrement réaliste sur le plan historique.
C'est d'ailleurs une sensation grandissante au fil du roman, qui pourrait tout à fait se lire comme un roman historique justement - au début - et qui va de plus en plus verser au fil des pages vers quelque chose de nettement plus tourné sur l'imaginaire. En soi, ce n'est absolument pas un problème. C'est l'exécution bancale de ce bond en avant qui gêne aux entournures. La "couche" de fantasy/fantastique (on est assez loin du réalisme magique cité par certains) semble parfois tout bonnement superflue.
Si l'on est toutefois prêt à fermer les yeux sur ce point, et si les débuts soignés mais un peu lents ne vous dérangent pas (ce n'est pas mon cas), alors le parcours de Fatima devrait vous satisfaire sans détour. Il ne s'agit pas d'une héroïne forte tête comme on en a vue tant et devenue presque un cliché en elle-même. Mais sa personnalité et son évolution bien réelle ont quelque chose de captivant, surtout plongée dans un tel univers.
Les personnages profonds (ceux qui le sont un peu moins dénotent du coup, on pense à un certain moine...), le style élégant et subtil, l'univers riche et aux décors presque palpables, compensent donc une histoire à la tournure finalement très classique, pour peu justement que vous soyez un habitué du genre fantasy. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une quête/voyage comme on en a déjà vécus beaucoup, sans réelle plus-value sur ce point. Mais le tout se retrouve "enrobé" d'un voile de sophistication certaine, à l'image des thèmes abordés (la foi bien sûr, la tolérance, l'acceptation de soi, les jeux de pouvoir, etc...), qui magnifie l'ensemble.
The Bird King se révèle donc un roman ambitieux et sûr de ses forces, tellement sûr à dire vrai qu'il se laisse parfois un peu aller à quelques facilités. Pas de quoi bouder notre plaisir, mais sans doute tout de même de quoi l'empêcher de se muer en classique instantané du genre.
— Gillossen