Amateurs de fantasy française, si je vous dis « Sylvie Miller », il y a fort à parier que vous me répondrez, au choix, « Philippe Ward » ou « Lasser, détective des dieux ». Mais après plusieurs nouvelles et pas moins de quatre tomes écrits à quatre mains des aventures du privé attitré des dieux égyptiens, il va désormais falloir compter sur Sylvie Miller en solo. Et ça commence dès cette rentrée chez Critic avec Satinka, un roman initiatique à la croisée des chemins du western, de la fantasy et de la romance young adult.
« Jenny dreamed of trains », comme le chantait si bien John Denver, mais dans le cas de cette Jenny-là, les rêves sont un peu trop réels. Si ces visions ne sont pas de tout repos pour le personnage principal, elles constituent pour le lecteur la base d’une narration originale, fragmentée entre plusieurs personnages et s’étalant sur près de deux siècles. Malheureusement, les points positifs s’arrêtent là : alors qu’il aurait pu s’agir d’un roman sur l’acceptation de l’autre, la tolérance et la beauté du melting-pot, on a surtout l’impression d’un roman qui ne sait pas sur quel pied danser.
Du western, on retiendra surtout la représentation assez naïve des différentes ethnies, avec notamment les images d’Épinal du camp indien ; la quête initiatique et les origines extraordinaires de Jenny évoquent, au mieux, la high fantasy des années 80, et les poncifs du roman young adult sont exploités à plein (jusqu’à cette étrange fixation de l’héroïne pour le lait consommé directement à la bouteille, une habitude calquée sur… Bella Swann, de la-série-que-vous-savez). Au final, les genres se côtoient sans jamais vraiment parvenir à se mélanger, ce qui va étrangement à l’encontre des idéaux que prône le roman.
Côté écriture, le style manque de naturel et le déroulé du scénario paraît très artificiel. L’auteur s’attache parfois à des détails surprenants (notamment la précision millimétrique des déplacements des personnages, que l’on pourrait aisément lire avec la voix de la dame du GPS) et les pouvoirs de Jenny évoluent sans grande logique, en fonction des besoins du scénario. Ajoutez à cela des personnages souvent caractérisés uniquement par leur ethnie, et vous obtenez un mélange trop hétérogène, dont la sauce ne prend pas.
L’enthousiasme de Sylvie Miller pour ce petit coin de Californie et son attachement évident à son héroïne ne suffisent malheureusement pas à gommer les défauts de ce premier roman en solo. Il ne reste plus qu’à espérer que la suite annoncée redresse un peu la barre pour que Jenny nous fasse rêver, nous aussi.
— Saffron