Présentée à la fois comme un digne héritier de JRR Tolkien et comme profondément novatrice dans son approche, la première partie des Chroniques du Lindormyn de David Bilsborough était attendue avec une certaine impatience. Le Vagabond du grand nord présente de prime abord une trame très conventionnelle. Drauglir, l'ennemi juré des hommes que l'on croyait mort, semble avoir survécu ; un groupe d'aventuriers est constitué pour l'abattre définitivement. Composée fort traditionnellement d'un savant mélange de guerriers, de prêtres, d'aventuriers et d'un jeune écuyer, la troupe affronte le bestiaire ordinaire du petit monde de la high fantasy : ogres, loups et autres spectres s'efforcent de donner du fil à retordre à nos héros, dans une variété de décors elle aussi d'un grand classicisme.
Si l'auteur s'en était tenu à l'utilisation de ces canons - certes rebattus, mais qu'il manie avec efficacité -, il aurait pu nous livrer une œuvre honnête appréciée de tout amateur du genre. Las, David Bilsborough, dans sa volonté de casser les codes conventionnels relatifs au traitement des différents personnages, nous semble être passé à côté de son objectif. Ainsi, à vouloir trop les présenter comme des individus ordinaires, loin des bons sentiments habituellement dévolus, il en fait des êtres pour la plupart antipathiques, aux réactions souvent puériles et confinant parfois à la bêtise. Les dialogues manquent particulièrement de saveur, et la personnalité du fameux Bolldhe, sans qui aucune victoire n'est possible, ne fait rien pour rehausser le plaisir. On se demande parfois s'il ne s'agit pas là d'un maniement subtil du second degré, sentiment vite détrompé par l'accumulation de scènes similaires. Le rythme, alternant séquences angoissantes réussies et temps long de recentrage, est mal équilibré, et l'on doit quelquefois se faire violence pour suivre le petit groupe jusqu'à l'évènement majeur suivant.
Pourtant, l'ensemble n'est pas si mauvais, mais manque singulièrement de nuances. Le monde de Lindormyn par exemple est bien campé, réaliste, de même que les différents peuples et religions qui l'animent.
Nous espérons donc que Un Incendie dans le nord, la seconde partie du diptyque, viendra amender cette œuvre qui n'est pas dénuée de qualités, mais dont les défauts demeurent bien trop prégnants pour la qualifier de réussie.
— pumila