Après avoir dernièrement écrit le carnaval aux corbeaux, une histoire sombre et fantastique, Anthelme Hauchecorne s’est attaqué à un autre pan de la littérature imaginaire avec une histoire onirique écrite à la première personne qui s’adresse plus à un public Young Adult. Toutefois, avec Journal d’un marchand de rêves l’auteur aborde des sujets relativement sombres, que ce soit la problématique du suicide, de l’usage de drogues ou encore des scènes de violences plus crues, qui rendent quelque peu fallacieuse cette classification.
Le concept du parallèle entre le monde des rêves et le monde de l’éveil est ici traité avec intelligence de manière inédite. Nous suivons l’évolution de l’archétype de l'anti-héros, Walter Krowley, qui découvre le monde des Rêves, l’Ever, avec ses dangers et son mode de fonctionnement particulier. A travers une évolution plutôt classique du personnage qui s’adapte lentement à son environnement nous découvrons petit à petit ce monde farfelu mais également passionnant issu de l’imagination débridée de l’auteur. Si l’intrigue semble souffrir d’une narration parfois chaotique, on finit par s’apercevoir qu’elle ne fait que refléter le particularisme entropique du monde de l’Ever qui ne correspond à aucun de nos standards.
Avec ce monde à l’ambiance tantôt western, tantôt steampunk, tantôt 1984 d’Orwel, Anthelme Hauchecorne s’est fait plaisir en créant son univers et ça se sent, pour la plus grande joie du lecteur.
Le monde d’Ever et plus particulièrement le monde de Brumaire est en fait le personnage central de ce récit qui se déroule majoritairement dans le monde des rêves et constitue le principal point fort du roman. Il transpire de chaque page, apparaît en fond de tous les paysage et s‘infiltre dans la mentalité de Walter Krowley à la manière de grains de sable insaisissables. C’est indéniablement la plus belle réussite de ce roman!
Walter Krowley s’avère malheureusement bien moins intéressant à suivre, étant éclipsé à la fois par l’univers dans lequel il évolue et par les deux personnages secondaires féminins qu’il est amené à croiser régulièrement. Même Hope, un personnage complexe qu’on ne découvre que dans la seconde moitié du récit, parvient en peu de pages à acquérir plus de consistance que l’évanescent Krowley. Au niveau des petites déceptions qui ont tendance à retarder l’immersion du lecteur, il convient de citer également certains concepts intéressants trop peu exploités à l’instar du Ça du Rêveur dont l’utilité et le lien ne sont pas suffisamment expliqués. De même, l’histoire peine à démarrer et le lecteur ne perçoit pas immédiatement la logique et les enjeux des premiers événements somme toute très elliptiques que subit Walter Crowley.
Sur le plan du style, Anthelme Hauchecorne s’est fait connaître à travers ses différentes œuvres pour la grande finesse de sa plume, sa poésie, et par sa capacité à évoquer des images dans l’esprit du lecteur. Loin du style plat et insipide de nombreux romans estampillés Young Adult, ce dernier récit s’inscrit dans la droite ligne d’excellence d’Anthelme Hauchecorne.
En dépit de quelques imperfections, journal d’un marchand de rêves explore un concept intéressant avec une multitude de bonnes idées et de clins d’œil de l’auteur, et surtout un univers onirique d’une grande richesse qui vaut le détour.
— Belgarion