Avec La Route de la conquête, Lionel Davoust renoue avec son univers d’Evanégyre, à l’origine de ses premiers succès.
Précisons tout d’abord qu’il ne s’agit pas d’un roman à proprement parler, mais finalement d’un recueil de nouvelles, avec un très long texte inédit pour débuter. Pour le reste, en dehors d’une seule autre nouvelle, Le Guerrier au bord de la glace, toutes les autres ont déjà été publiées ici ou là. C’est sans doute d’ailleurs le seul véritable défaut que l’on pourrait pointer du doigt concernant cette nouvelle parution des éditions Critic. Tout le monde n’achète évidemment pas les recueils de nouvelles des Imaginales ou bien ne lit pas la revue Mythologica, mais il est donc possible que vous ayez déjà croisé l'un de ces textes. Les voir réunis pour l'occasion permet aussi de se rendre compte des liens qui les unissent et des renvois que l'on peut faire de l'un à l'autre...
Toutefois, le gros morceau de l’ouvrage qui lui prête également son nom mérite sans aucun doute à lui seul la lecture. Lionel Davoust, sans fioriture et sans longueur inutile (longueurs qui auraient pu conduire à souligner son propos de façon trop marquée), aborde des thèmes finalement pas toujours développés en fantasy – du moins si on l’imaginait à l'échelle d’un cycle entier – au travers un personnage principal nuancé et non sans failles, malgré la réputation que lui vaut évidemment son statut au sein de l’empire. Pêle-mêle, on peut citer parmi les problématiques au menu : vainqueurs et vaincus, choc des cultures, traditions et pseudo-modernité, sans parler de savoir si la fin justifie (tous) les moyens, ou du moins de tenter de faire un choix en laissant l'histoire nous juger… Tout cela se retrouve traduit ici sans que l'auteur ait besoin de se montrer pontifiant ou de faire souffrir le rythme de son récit.
Dans un autre registre, la nouvelle inédite, d’une quarantaine de pages, adopte un tout autre point de vue mais s’avère tout aussi prenante, nous présentant la relation complexe entre un Chartiste et sa « conscience ». Elle illustre bien d’ailleurs les particularités de l’univers créé par Lionel Davoust, qui n’hésite pas à accorder une large place à la technologie, tout en s’interrogeant par exemple sur ses liens et ses rapports avec une humanité qui reste au cœur de tout. En l’occurrence, il nous propose de belles et parfois terribles visions.
L’ensemble, en incluant donc les nouvelles déjà connues, permet en tout cas de bien préparer le terrain à un nouvel ouvrage annoncé en fin de volume pour août 2015, Port d'âmes. Et si tant est que certains puissent en douter, c'est aussi la preuve que Lionel Davoust est loin d’avoir oublié un univers bien à lui dans lequel il s’investit – et qui l’inspire - visiblement toujours autant.
Avec un soin évident et un vrai souci du détail sans jamais en faire trop, l'auteur nous entraîne à la suite de Korvosa et des autres dans un monde dont les échos nous touchent et se révèlent à même de nous faire réfléchir, sans pour autant que le décor ne soit qu'un décor, au contraire.
Une belle confirmation !
— Gillossen