Avec ce roman, Marie Brennan nous entraîne loin des aventures militaires d’un Téméraire, même si l'on pense de temps en temps aux romans de Naomi Novik.
Mais ici, le lecteur suit Isabella, une jeune femme dotée d’un certain caractère, pour ne pas dire d’un caractère certain, qui retrace dans le cadre de ce premier tome sa toute première expédition en tant que zoologue à la rencontre des dragons, mais aussi son enfance ou son mariage, le tout à la façon de mémoires (et donc à la première personne).
Il s'agit là à la fois la force et la faiblesse du roman. Sa force, de par cette voix charismatique et très vite attachante qui accompagne le lecteur et le portrait de Lady Trent (ou d'une dame en devenir) qui se dessine en creux. Ainsi, les dragons eux-mêmes, sans se révéler pour autant accessoires, n’occupent pas une place majeure dans le récit.
Mais il donc aussi question d’une faiblesse, car sortis d'Isabella et son époux, les autres personnages par exemple paraissent un peu falots et manquent un peu d'épaisseur. De même, tout plaisant qu’il soit, ce témoignage nous laisse malgré tout quelque peu sur notre faim car le prisme de l’auteur devient parfois trop étroit pour contenter pleinement son lecteur. Il serait toutefois exagéré de parler de frustration, d’autant que le roman peut compter sur une qualité d’écriture au-dessus de la moyenne, ce qui le distingue là aussi de Novik ou d'une auteure comme Gail Carriger dans le registre fiction victorienne. Brennan ne se contente pas d'un ton piquant et d'un verbe souvent délicieux.
Qui plus est, même si l'on se doute que les tomes vont se succéder - le deuxième vient de paraître en langue anglaise - ce roman propose une conclusion tout à fait satisfaisante pour qui voudrait s'arrêter là après une lecture primesautière rondement menée dont on ne voit justement pas arriver la fin.
Et ce bien sûr sans même parler des qualités esthétiques de l’ouvrage en lui-même (à commencer par la sublime illustration de couverture de Todd Lockwood), car ce n’est pas ce qui doit guider notre chronique, même s’il s’avère toujours agréable de constater les ambitions formelles d’un éditeur et de son auteur.
Au bout du compte, c’est bien le roman lui-même que l’on garde en mémoire, après avoir partagé les souvenirs vifs et enlevés d’une jeune femme qui ne manque pas de… mordant.
Mise à jour du 24 février 2016 : la version française de ce premier tome sortant en librairie demain chez L'Atalante, voici une remise en avant de cette chronique.
— Gillossen