Le roman d’Helene Wecker représente - et reste - assurément l’une des très bonnes surprises de l’année 2013 de l’autre côté de l’Atlantique.
En nous entraînant dans un New York vibrant de magie mais surtout dans les pas de personnages mémorables, l’auteur, dont c’est le premier roman ici, accomplit un tour de force qui évidemment nous convie bien loin du tout-venant de la fantasy épique pour mettre l’accent sur l’émotion et les tranches de vie.
Chava et Ahmad sont deux êtres que l’on n’imagine pas s’entendre au départ, sans réelle surprise de ce point de vue. Et s'il n'est jamais facile évidemment de donner réellement corps à des personnages qui ne sont pas de nature humaine, Wecker s'en tire formidablement bien, rendant ses personnages à la fois proches et lointains, mais toujours dotés d'une belle épaisseur. Et en parlant de surprises, ce ne sont d’ailleurs pas celles-ci qui vont rythmer le roman, car là encore l’auteur ne joue pas cette carte. Si l'on devait vraiment chercher la petite bête, on pourrait effectivement regretter que le roman ne soit pas parfois un peu moins "calme" et tout en retenue. Helene Wecker mise avant tout sur sa propension à lancer le lecteur sur des chemins détournés qui captivent bien vite notre attention.
Sans parler d'une écriture exquise, aussi bien quand il s'agit de coller à ses personnages que pour évoquer le cadre de cette histoire, au tournant du siècle et des cultures, qui se télescopent avec fracas. Elle s'avère à l'image de cette maîtrise qui emporte le lecteur parfois très loin dans le temps, au gré des sentiers déjà évoqués un peu plus haut. Et quand bien même, comme nous l'avons déjà mentionné, l'auteur ne mise pas tout sur le rythme et les cliffhangers, son intrigue n'en reste pas loin souvent imprévisible et bien malin celui ou celle à même de deviner le destin de nos deux héros.
Au-delà de cette dimension, Wecker n'hésite pas à aborder, toujours avec élégance, des thèmes toujours actuels, voire philosophiques, comme la place de l'étranger ou le repli sur soi (entre autres myriades de sujets brassés avec talent), nous livrant en fin de compte ce que l'on pourrait qualifier de conte de fées pour adultes, et, pour une fois, sans lever les yeux au ciel à la lecture de cette expression.
Nous n’avons plus qu’à attendre maintenant une date pour la traduction française du roman, puisque ses droits ont été achetés il y a déjà de cela plusieurs mois.
05/10/2015 : remise en avant de cette chronique à l'occasion de la sortie de la VF chez Robert Laffont cette semaine.
— Gillossen