Comme le rappelle Michael Moorcock lui-même dans l'avant-propos de cette nouvelle bande dessinée, Elric inspire depuis longtemps les artistes de tous bords.
Mais l'auteur semble avoir été sensible à la démarche des artistes concernés par cette version éditée par Glénat, puisqu'au-delà de sa bénédiction, Moorcock va même jusqu'à affirmer que cette version serait celle qu'il aurait voulu raconter s'il y avait pensé à l'époque ! Voilà de quoi intriguer le lecteur et fatalement faire monter d'un cran ses attentes, tout en se montrant quelque peu sceptique : s'agit-il d'une simple politesse ? On n'imagine pas l'auteur déclarer qu'il n'est pas content d'une adaptation en signant une préface pour celle-ci...
Et puis, toutes les adaptations, particulièrement les dernières en date, n'ont pas forcément été renversantes ou même flatteuses pour le Prince des Ruines.
Toutefois, il faut bien admettre que Le Trône de Rubis conserve les grandes lignes de l'intrigue de départ des (mé)saventures d'Elric tout en lui apportant quelques variations légères mais bien trouvées, pour ne pas dire tout simplement pertinentes. On retiendra particulièrement la mise en avant de Cymoril, bien loin de n'être qu'une princesse éplorée se changeant en demoiselle en détresse au gré des rebondissements.
Si cet album se conclut par une apparition choc, il demeure avant tout un volume de présentation, une mise en bouche. Mais celle-ci n'en est pas moins soignée et bien pensée. À vrai dire, on ne voit pas le temps passer en cours de lecture et on se surprend même à arriver si vite à la fin au détour d'une page, ce qui est toujours bon signe.
Au bout du compte, c'est sans doute la représentation graphique de ce nouvel Elric qui retient l'attention pour le moment. Bourrée de détails mais évitant de faire trop chargé, celle-ci possède une véritable personnalité, tout en glissant quelques clins d’œil à celles qui l'ont précédée, notamment chez Philippe Druillet. Précisons que les auteurs s'y sont mis à trois, se partageant dessin, encrage et retouches. Une association originale, mais payante. Et on se prend même à imaginer une telle vision sur grand écran ! C'est en tout cas la preuve qu'Elric et son univers n'ont rien de "vieillot" en soi, pour peu qu'on prenne le temps d'une vraie réflexion. La société melnibonéenne telle qu'elle nous est présentée s'avère au passage intrigante et dérangeante, fidèle à sa nature même et non pas édulcorée pour se retrouver reléguer comme pendant moorcockien d'Elfes décadents.
Ajoutons, pour conclure sur une note plus terre à terre, que l'album est vendu à 13 euros avec un carnet de croquis de 16 pages (réservé au premier tirage), aux explications intéressantes sur les coulisses de la conception de l'album, qu'il soit question du design des personnages ou de la Cité qui Rêve.
Alors, pourquoi se priver ?
— Gillossen