Après un premier tome intéressant et intrigant mais qui manquait encore d'envergure, force est de constater que le tome 2 de La Dernière Terre a élargi le champ de vision jusque-là restreint que nous avions de ce monde froid et distant.
L'intrigue tout d'abord a pris du poids et a mis en place un enchaînement d'événements qui donne du rythme au récit. Les ombres venues d'au-delà du mur se répandent dans un monde qui ignorait tout de leur existence, et cette rencontre risque de s'avérer aussi douloureuse qu'horrifiante pour les Agrevins et leurs voisins. De plus, Magali Villeneuve, avec force descriptions, ouvre un peu plus les yeux de ses lecteurs sur des lieux encore peu explorés des cinq territoires, et notamment la contrée giddire sauvage et immaculée, ce qui donne plus de consistance à son univers.
Ce tome 2 de La Dernière Terre permet aussi de plus s'appesantir sur les personnages qui font le récit au point de primer dans ce cycle sur l'histoire à de nombreux passages. Le froid et peu sympathique Ghent, l'irréprochable fils du haut capitaine Ildorne, perd de sa perfection pour devenir plus humain en se confrontant à l'adversité, et, à l'inverse, sa sœur Gayle, jusque-là très effacée, prend de la consistance et de l'intérêt. Le sort de Cahir, le Giddire, est ici moins abordé, mais il est tout aussi plaisant de le voir évoluer et plus s'accepter lui-même. Enfin, le caractère insaisissable et impétueux de Feor et la personnalité sous pression de l'Igilh Nolath face aux menaces qui pèsent sur son monde jusque-là parfaitement contrôlé sont autant de caractères habilement dépeints par l'auteur. Les interactions entre personnages se complexifient ainsi pour former une pyramide instable et fascinante de sentiments exprimés ou refoulés.
Cependant, malgré ces améliorations, le roman n'est pas parvenu à éviter les ornières d'un style de narration très dense et très lent qui donne lieu par moment à des longueurs avec des passages indigestes à lire. De plus, si l'évolution de l'intrigue a permis d'élargir et d'amplifier le potentiel de la série, on peut encore s'interroger sur la possibilité voire la pertinence pour la série de s'étaler sur de nombreux tomes. Il faudrait que le rythme des événements s'accélère encore et que d'autres intrigues annexes prennent place pour justifier un long cycle.
Néanmoins, avec en complément un beau livret d'illustrations sur le monde de Magali Villeneuve et Alexandre Dainche et une émouvante préface de John Howe, ce serait dommage de se priver d'un livre de fantasy française original et bien conçu qui recèle de multiples intérêts.
— Belgarion