Fabrice Colin est tout de même agaçant.
Un peu comme Neil Gaiman, on découvre certains de ses romans en se disant "Mais c'est bien sûr" ou "Comment personne n'a pu y penser plus tôt ?" Sauf que, précisément, personne n'y a pensé plus tôt et l'auteur peut donc développer avec le talent qu'on lui connaît un univers et une histoire que l'on imagine au départ aussi limpides qu'ingénieux.
C'est, vous l'aurez compris, le cas avec 49 jours, publié chez Michel Lafon. Floryan meurt au cours d'un attentat dans le métro parisien et se retrouve plongé dans un étrange Intermonde, à devoir choisir entre rejoindre le Paradis ou disparaître dans l'inconnu. Rapidement, il va découvrir une communauté de renégats, qui refusent de se soumettre aux "anges" leur imposant ce choix et préfèrent tenter de survivre par eux-mêmes.
Partant de cette base bien trouvée, Fabrice Colin conçoit un récit nous entraînant dans les pas de son "héros", un récit prenant et surtout plein de bonnes idées. En restant à hauteur de son personnage, l'auteur prenait le risque de voir le lecteur deviner à l'avance certains rebondissements, mais Colin est suffisamment habile pour éviter cet écart. "L'Intermonde" que l'on découvre s'avère à bien des égards fascinant, sans parler de ses secrets plus ou moins avouables...
Il faut dire que le roman se déroule page après page sans le moindre accroc, profitant d'une écriture aussi impeccable qu'efficace, se permettant même quelques formules bien senties sur de grandes notions comme l'amour avec un A, les regrets qui nous hantent, etc, etc. Dit comme ça, il y aurait de quoi craindre que l'auteur nous inflige les réflexions adolescentes de son protagoniste principal de 17 ans, mais, là encore, Fabrice Colin évite cet écueil. Il a su trouver le ton juste pour coller au fond de son intrigue.
Si la deuxième moitié du roman s'avère toujours aussi intéressante, notamment par le biais d'une incursion dans notre futur donnant parfois un tour post-apocalyptique à cette histoire (avec un Paris ravagé), elle n'en est pas moins légèrement en retrait (plutôt que réellement décevante). La faute au personnage de Rain, qui en dehors de chantonner du Miles Davis ou de nous apprendre que plus personne ne connaît Muse en 2030, manque pour l'instant de consistance. Ou bien à la dizaine de pages d'explications tirées d'un carnet délivrées d'une traite en toute fin de roman. Le procédé fait tout de même un peu tache quand on songe à la maestria de l'ensemble.
Mais, en multipliant les pistes et en se permettant une fin à twist, Fabrice Colin provoque une nouvelle envolée finale de nos espoirs mais surtout de nos attentes, en plaçant la barre très haut. Les sages Elohim que l'on imaginait créatures célestes sans réelle originalité en début de tome sont à l'image du roman, fascinant et retors dans son implacable mécanique.
Fascinant, souvent, de par sa maîtrise. En somme, une très bonne surprise, et ce d'autant plus quand on ne l'avait pas forcément vue venir.
Un incontournable de cette fin d'année, et pas seulement pour votre cousin de 15 ans.
— Gillossen