Avec ce El Borak, on s'éloigne clairement de la fantasy pure et dure à l'occasion de ce neuvième volume rassemblant les écrits de Robert E. Howard, pour plonger dans un autre genre de récits, évoquant, de prime abord, tout un pan de la littérature pulp mettant en scène des aventuriers occidentaux aux prises avec les mystères d'une Asie ou d'une Afrique aux cités perdues et aux secrets fantasmés.
Pourtant Francis Xavier Gordon n'en demeure pas moins un héros éminemment howardien. Qu'il soit par exemple question de ses origines ou de la façon dont le personnage peut avoir tendance à accorder son aide et sa sympathie aux opprimés. Dans sa préface, Patrice Louinet évoque même une comparaison possible avec un Conan contemporain. Pertinent.
Comme toujours, toutes les nouvelles du recueil ne sont pas de qualité égale (comment l'imaginer ? El Borak a de toute évidence eu une existence chaotique chez Howard), d'où certains récits qui valent surtout pour tel ou tel point (intrigue, personnages, narration...) mais manquant de cohésion. De fait, on retiendra avant tout Le Faucon des collines et La Mort à triple lame, deux "morceaux de bravoure" qui semblent contenir l'essence même du personnage et de l'univers dans lequel il évolue, portés par une mise en scène souvent dantesque.
La frontière entre barbarie et civilisation demeure également l'un des thèmes majeurs abordés en filigrane par l'auteur (quelle que soit l'ambition du texte concerné). A ce titre, la violence déployée au fil de ces nouvelles est souvent nettement plus marquée que chez un Kull ou un Conan. Mais nulle complaisance ou glorification de celle-ci de la part de l'auteur. Sans doute la seule et triste illustration d'un état de fait aussi cruel que dramatique, qui voit les hommes perdre jusqu'à leurs dernières illusions, loin de tout...
Dans tous les cas, il plane sur ces textes et plus particulièrement sur leurs cadres souvent majestueux (et toujours dangereux) un parfum de mystère et de surnaturel avec lequel l'auteur flirte souvent. C'est aussi ce qui fait une partie du charme de ces aventures, tout comme les personnages secondaires hauts en couleur venant épauler la figure dominante d'un féroce El Borak.
Alors, certes, ce volume n'est sans doute pas aussi indispensable que d'autres, mais il n'en reste pas moins définitif, à l'image du soin apporté à la traduction par Patrice Louinet ou bien sûr à travers son analyse du travail d'Howard, sans parler des illustrations intérieures, qui apportent un réel supplément d'âme au tout.
Bref, une démarche qui conserve tout son sens.
— Gillossen