Avant toute chose, force est de constater qu'en dépit d'une belle couverture le résumé de ce premier tome ne donne pas une envie dévorante de se plonger dans l'histoire des Elfes. Cette race de créatures semi immortelles a en effet déjà été abondamment traitée dans la littérature du Merveilleux depuis les contes et légendes des siècles issus du folklore moyen-âgeux jusqu'aux classiques déjà bien anciens que sont la Fille du roi des elfes de Lord Dunsany et le Seigneur des anneaux de J.R.R Tolkien.
Néanmoins, il serait dommage de ne se fier qu'aux apparences car l'auteur réussit à dépasser le cadre classique du sujet pour nous offrir une histoire intéressante qui s'annonce d'ores et déjà très longue. Le début nous plonge dès les premières pages dans l'action en nous emmenant sur les traces d'une créature monstrueuse qui dévaste le monde des humains au point de rendre nécessaire la venue d'une Chasse elfe chargée de l'éliminer. Mais l'intrigue dépasse largement la banale chasse au monstre pour nous offrir une succession de quêtes et de rebondissements dont l'ensemble forme une trame de grande ampleur qui ne fait encore que se laisser deviner. Les passages entre le monde des humains et le monde merveilleux et très bien décrit des elfes offrent un contraste riche qui fait tout l'intérêt du roman avec le temps qui s'écoule différemment et le choc des cultures inévitable qui en résulte.
Les personnages mis en avant sont quant à eux très réussis avec des caractères dissemblables mais attachants, notamment l'humain Mandred si terre-à-terre. L'histoire d'amour dramatique entre la belle Noroelle, l'énigmatique Farodin et le paria Nuramon met aussi une touche de poésie et de sentiments bienvenus dans un cadre plus sombre.
Ce cadre sombre va cependant de paire avec les quelques tâches qui altèrent la luminosité et le caractère brillant du roman. En effet, en-dehors de six ou sept personnages principaux, les autres caractères sont très stéréotypés et effacés, ce qui limite grandement la galerie des personnages intéressants. En allant dans ce sens, il faut aussi souligner le classicisme de certaines situations qui ne peut manquer de rappeler certains écrits précédents. De même, on peut reprocher à l'auteur son parti pris concernant le rythme de narration accéléré et soutenu à la moitié du tome 1 qui empêche de s'apesantir sur les personnages et leurs différentes rencontres de chemin. Ce choix est certes justifié mais rend le récit plus superficiel, sans pour autant altérer son intérêt et son caractère dramatique. Enfin, la bonne prestation de ce premier roman ne permet pas de juger de l'ensemble de l'œuvre qui devra se renouveler durant au moins les six tomes prévus pour maintenir son intérêt jusqu'au bout sans retomber dans les redites des œuvres précédentes traitant du sujet.
Le mot de la fin sera globalement positif car le style énergique et vivant de l'auteur allié à une grande imagination lui permettent de sortir des ornières de ses prédécesseurs en créant de l'original à partir d'éléments des plus classiques. Il ne reste plus qu'à espérer que la qualité se maintienne voire s'améliore encore pour la suite de ce volume de très bonne qualité.
— Belgarion