Évidemment, il est des albums, qui entre leur couverture volontiers aguicheuse au premier abord et leur thématique de base apte à surfer sur une vague réveillée par le succès du Da Vinci Code, qui prêtent à sourire.
C’est le cas de ce Camilla, comme vous l’aurez sans aucun doute deviné en jetant un œil à la couverture. Il serait pourtant regrettable de ne pas lui accorder au moins le bénéfice du doute, car par son seul cadre historique, la Convention, cet album se distingue grandement du tout venant du genre. Et, oui, c’est bien la figure de Maximilien Marie Isidore de Robespierre qui occupe un rôle majeur au cours de ces 46 pages. Mais, tout puissant qu’il soit, voilà un homme de pouvoir qui se retrouve en réalité mêlé à une lutte courant sur des millénaires entiers. Celle qui oppose les filles de Lilith aux institutions vaticanes représentées par la confrérie d’Adam, chaque faction semblant prête à tout pour l’emporter, y compris à faire basculer des nations.
Sans révolutionner le genre ou sans mettre en place un suspense à couper au couteau – ou plutôt à la guillotine – les auteurs tissent une intrigue solide qui sait se relancer de planche en planche, sans oublier de développer sa part de mythologie, avec ici un culte de Lilith fortement influencé par l’Egypte ancienne et là des passages qui évidemment sèment le doute quant à la réalité tangible de l’existence de la célèbre « démone ».
Bien sûr, qui dit bande dessinée dit dessins, et de ce côté-là, on ne peut nier que le coup de crayon de Laurent Paturaud constitue un atout de poids. Précis, fin, souple, son trait donne vie à des personnages féminins à la sensualité immédiate, mais pas dénuées de mystère pour autant. Toutefois, il ne faudrait pas limiter ses talents aux jeunes femmes plantureuses, on le sait bien. Décors, costumes, personnages masculins : eux aussi affichent une apparence solide et soignée, rehaussée par une colorisation sobre et subtile, sombre et douce à la fois.
Avec cette série mettant en scène la figure sulfureuse de la succube, les auteurs auraient pu volontiers plonger dans la facilité. Ce n’est pas le cas pour le moment, puisque la rigueur semble de mise sur tous les plans (ce qui n’empêche cependant pas de mettre en avant la plastique des filles de Lilith à l’occasion, même si la couverture n’est pas représentative du ton de l’album).
Chaque album devant en principe être indépendant et décliner différents périodes importantes de l’histoire, on espère toutefois qu’il se dégagera de l’ensemble un réel fil conducteur.
Mais pour l’instant, impossible d’en juger !
— Gillossen