Christine Cardot, en délaissant les paysages médiévaux-fantastiques classiques, nous entraîne résolument vers l'exotisme avec une aventure qui se situe dans une Afrique mystique où les animaux esprits côtoient la magie chamanique ainsi que l'amour de la nature.
La recherche d'exotisme aurait pu être encore plus poussée, mais la tradition des Regards Clairs, la cité tentaculaire de l'Arrassinie ou encore les castes guerrières de ce pays offrent un dépaysement certain qui réussit à plonger le lecteur dans une ambiance très particulière. L'auteur donne une véritable philosophie à son roman comme à ses personnages, et nous immerge sur 240 pages dans une culture fascinante. Il convient de souligner notamment le superbe poème en milieu de roman qui déroule ses vers déchirants et lancinants.
De même, la mise en scène de Kaïrale, à la fois guerrière et détective dotée d'un sixième sens, offre le portrait original d'un personnage volontaire et en même temps sillonné par le doute. Sa complicité avec le solide soldat Rêemmet et le mystérieux et ironique premier Regard Clair lui donnent une aura de sympathie qui se trouve renforcée par son passé douloureux.
Au fil de ses pérégrinations et de ses sautes d'humeur, nous découvrons petit à petit les intérêts en jeu qui la concernent sans qu'elle en ait encore conscience. Le voile des nuages de l'intrigue se déchire petit à petit sur la chaude savane africaine, mais le soleil tarde encore à darder ses rayons de compréhension.
Le livre souffre par moment d'un manque de fluidité dans l'enchaînement des évènements. Kaïrale, la courageuse et attachante sentinelle, est clairement prise dans un jeu et une intrigue qui la dépassent et la mystifient, mais le lecteur ne doit pas non plus être perdu dans l'histoire. C'est pourtant l'impression de votre serviteur lors de certains passages hachés du voyage vers le pays des Mains Rouges et surtout à la fin où nous passons d'une situation relativement claire à un épilogue aussi brusque qu'en totale contradiction avec les pages précédentes.
Il s'agit néanmoins d'un premier roman prometteur, qui ouvre de nombreuses perspectives d'intrigues et qui devrait s'affranchir des quelques maladresses qui touchent ce premier opus. Résolument différent des œuvres sorties ces derniers temps, Le roi d'ébène mérite qu'on lui laisse sa chance.
— Belgarion