Avec cette suite non directe du premier tome (plus de dix ans ont passé entre les deux), Daniel Abraham nous entraîne à nouveau dans son univers aussi dangereux que raffiné.
Et si le roman s’avère encore plus consistant que le précédent, il s’avère avant tout que l’auteur a su également tirer les conséquences des quelques reproches que l’on pouvait lui faire avec La Saison de l’ombre, notamment sur le plan de l’exécution proprement dite.
Si certains lecteurs avaient pu se laisser déconcerter par la façon dont Abraham pouvait prendre des chemins détournés pour faire avancer son histoire, son approche est cette fois plus directe.
Ce qui ne signifie pas pour autant que la profondeur du récit en pâtit. Au contraire, l’auteur réussit à creuser son univers, tout en faisant réellement évoluer ses personnages, qui possèdent désormais une véritable épaisseur et ne se définissent plus seulement par rapport aux autres, mais avant tout par eux-mêmes, Otah et Maati en tête. Loin des clichés, il est question ici de conscience, y compris là où on ne l’attendrait pas forcément.
Mais avec ce nouveau chapitre, Daniel Abraham ne renie bien entendu pas tout ce qui faisait le charme de son premier roman, et notamment cette atmosphère très particulière, qui se retranscrit par exemple à travers la culture de cet univers, une culture qui dicte les comportements de chacun. Comment s’en libérer ? Le peut-on seulement ? Est-ce vraiment une fin en soi ? Les questions sont bel et bien là et céder aux clichés n’est, une fois encore, pas la voie que souhaite explorer l’auteur, pas plus que s’appesantir inutilement sur un cadre exploité avec justesse. Le mieux n’est-il pas l’ennemi du bien ? Un constat qui vaut aussi pour les mondes de fantasy trop souvent portés sur la surenchère. Dans le cas présent, ce sont les personnages (les féminins sont tout aussi bien représentés, si ce n’est mieux) et surtout l’histoire, sombre et dramatique, qui importent.
Et le tout sans oublier la plume élégante et subtile d’Abraham, qui constitue un vrai plus pour un roman, qui, une fois lancé, nous emporte bien plus facilement que le premier au rythme de ses enquêtes et ses révélations.
Un pas en avant et une réussite intense, qui nous donne d’autant plus envie de voir arriver le troisième tome de la tétralogie, prévu pour début 2011. À part peut-être en termes de couvertures, la reprise des versions poche anglaises de Larry Rostant n’étant pas forcément la meilleure idée qui soit...
— Vermithrax