Publié en langue anglaise en 2004, le premier tome des Chroniques des temps obscurs - six tomes prévus - est arrivé dans nos contrées un an plus tard. Frère de loup a connu un succès important, les pérégrinations de Torak dans le nord-ouest de l'Europe au Néolithique passionnant plus d'un jeune lecteur. Qu'en est-il exactement ? Le cadre exclu, qui est inhabituel sans être innovant, nous nous retrouvons avec tous les ingrédients classiques de la bonne vieille quête initiatique : Torak est doté de capacités particulières, mais il l'ignore, et les découvrira progressivement ; il est initialement seul, mais se fera des compagnons au fil des pages ; il ignore tout de son destin, mais prend connaissance de sa quête et fera son possible pour l'accomplissement d'icelle...
Bref, rien de neuf sous le soleil vous direz-vous. Effectivement, mais il faut tout d'abord préciser que tout cela est très honnêtement mené, sans génie certes, mais de façon très convaincante. Il ne s'agit pas là, pour ne citer qu'un exemple tristement célèbre, d'un avatar de la série Eragon. Si l'on ajoute à cela une bonne connaissance de l'époque et un réel effort de documentation - on pense notamment à la végétation, l'habillement ou les mœurs alimentaires -, des descriptions convaincantes de scènes cynégétiques ou plus simplement bucoliques, on obtient une narration rythmée où l'ennui n'a pas sa place. De surcroît, l'aspect dramatique du premier chapitre permet d'entrer immédiatement dans le vif du sujet.
Ainsi, certaines passages intenses et éprouvants devraient laisser une impression durable au jeune lecteur, et compensent l'aspect classique de la narration. Un autre point plus inhabituel pour un ouvrage destiné à un jeune public consiste en la dureté des rapports humains. Ici, point de réplique bien sentie pour alléger l'atmosphere, les relations sont dures, et l'auteur fait clairement ressentir la précarité de l'existence, et l'importance vitale pour les différents acteurs d'effectuer les bons choix, d'où une légitime méfiance.
Le principal reproche est constitué par la relation entre Torak et Loup. Dans ce registre, la barre était haute puisqu'on pense inévitablement à la série de L'Assassin royal. Hélas, Loup souffre parfois d'un manque de crédibilité comme représentant du genre canin, certaines de ses réactions, ou de ses interrogations, étant souvent par trop humaines pour rester crédibles. Cependant, on peut légitimement espérer que ces défauts n'apparaîtront pas comme trop criants pour un jeune lecteur qui se laissera transporter sans mal par cette quête épique dans un environnement naturel et familier.
— pumila