Après quelques titres très portés sur la fantasy épique, Orbit dégaine aujourd'hui l'une des autres sorties de son lancement de fin d'année, avec le premier tome de la première trilogie d'un auteur que les initiés connaissaient éventuellement en France de réputation, mais encore jamais publié jusqu'ici par chez nous : Mark Chadbourn, auteur anglais de son état.
Place cette fois à une fantasy beaucoup plus urbaine, surfant sur le thriller, avec une touche de « noir ». Les adolescents hurlant « Pourquoi moi ? » sont à ranger au placard, de même que les fiers destriers et les forteresses volantes... Et pourtant, l'on se rendra vite compte que la magie est loin d'avoir disparu de nos tristes rues du monde moderne. Sans oublier que les mécanismes d'un récit construit comme une quête se remettent rapidement en place.
L'auteur réussi ici un mélange plus que sympathique entre mythes et légendes essentiellement d'inspiration celtiques et imagerie moderne, porté par une plume décapante et épurée, qui n'hésite pas à aller droit à l'essentiel. Une fois lancé, il est en effet difficile de s'arrêter avant de parvenir aux dernières pages du roman, ce qui ne garantit pas pour autant un ouvrage de qualité, certes.
Mais c'est bel et bien le cas ici. Inventivité des situations, ambiance de fin du monde retranscrite avec justesse et tension, personnages évoluant dans le registre des teintes de gris et non pas pantins unidimensionnels, sens du spectacle et de l'imprévu, enthousiasme prégnant de l'auteur... On pourrait facilement continuer à flatter l'estime de soi de Mark Chadbourn, qui n'en demanderait sans doute pas tant.
Mais, qui aime bien châtie bien, comme le veut l'adage ; et l'auteur, qui n'en était pas là à son premier roman, n'évite pas certains écueils : ainsi, nous n'échappons pas à une poignée de clichés, tandis que certains passages ne semblent être là que pour informer le lecteur, et pas les personnages eux-mêmes, de ce qui se trame autour d'eux. De même, à force de tendre vers une écriture vive, nous n'avons pas forcément le temps d'adhérer aux « états d'âme » de tel ou tel personnage, un peu trop bousculés par le cours des choses.
Tel un Stephen Lawhead 2.0 qui aurait abusé de la caféine, Mark Chadbourn bouscule précisément les convenances pour signer un thriller efficace et dynamique qui devrait séduire sans peine les amateurs de thriller comme de fantasy urbaine plus lambda.
— Gillossen