Pour sa deuxième traduction en France, Friedman confirme avec ce deuxième tome qu'il faudra compter sur elle pour devenir une référence solide dans le paysage de la fantasy. Injustement peu connue au sein de nos contrées, ses livres ont décidément une noirceur dans l'histoire et les personnages, un ton parfois cru et un envoûtement indéniable qui se démarquent de la majorité des récentes parutions fantasy. En effet, à la lecture du tome 2 de La Trilogie des magisters, il est désormais aisé de distinguer le style d'écriture propre de l'auteur qui la range dans la catégorie des grandes conteuses. Les personnages confirment leur complexité et leur intérêt avec des développements inattendus. On est ainsi fasciné par la personnalité trouble de Kamala qui, de par son expérience passée douloureuse, est aigrie par la vie, n'accordant qu'un soupçon d'attention à son entourage. Et pourtant, étant devenue très récemment magister, elle conserve encore des parcelles d'humanité qui la rendent plus sympathique. De même, la reine Gwynofar ou encore le magister Colivar constituent des personnages de premier plan avec des sentiments et une détermination qui nous incitent à les prendre pour modèle. Mais avec le monde des magisters, C. S. Friedman a su créer un système de magie original où la vie et l'âme magique de la majorité de la population n'a que valeur de combustible. Ce côté négligeable de la vie d'autrui est ici renforcé dans le tome 2 où les magisters qui utilisent cette matière première n'hésitent pas à carboniser la vie de leur réceptacle humain pour éviter d'être pris en défaut lors de grosses opérations de magie. De plus, ce tome 2 conforte l'emprise des magisters sur les rois et les populations. Il s'avère rapidement que les seconds ne sont que de simples marionnettes entre les mains des premiers car, grâce à leurs pouvoirs magiques, les magisters, sous couvert de conseiller les rois, dirigent d'une main de fer des royaumes qu'ils élèvent ou brisent au gré de leurs envies. Par ailleurs, le monde créé par C. S. Friedman s'enrichit car on y découvre petit à petit la vérité sur les lances de la colère qui empêchent les dévoreurs d'âme de revenir. Et comme beaucoup de choses dans ce livre, la vérité est cruelle et traumatisante pour ceux qui vont la découvrir, Kamala et Rhys au premier plan. Au final, les rebondissements importants, l'ambiance sombre particulièrement bien tournée et les héros très différents les uns des autres constituent les gros points forts de cette trilogie qui promet un final apocalyptique dans le troisième et dernier tome. Reste à savoir si le suspense tiendra jusqu'au bout: les dévoreurs d'âme et leurs étranges cavaliers parviendront-ils à rendre ce monde encore pire qu'il ne l'est actuellement ?
— Belgarion