Le Compas de l'âme constitue le volume final de la tétralogie de Sean Russell sur le monde de Farettere qui évoque l'ère de l'Angleterre victorienne lorsque la science et la technique deviennent de plus en plus présentes dans la vie quotidienne au détriment des croyances anciennes. Cette atmosphère de fin d'une époque se retrouve dans ce volume avec la disparition progressive de la magie et le départ du dernier mage, Eldrich. C'est ici l'avènement d'un monde plus prosaïque, dénué de sa touche de merveilleux, qui s'annonce. La fin notamment nous laisse une impression douce-amère avec une bonne dose de mélancolie et de multiples pistes de réflexion, bien que Sean Russell ait admirablement clôs toutes les questions pendantes de son intrigue avec sa verve habituelle.
Cependant, certains passages reflètent moins son talent pour les descriptions imagées et ses retournements de situation lumineux. Plus ternes, ils empêchent de porter ce livre aux nues du fait des longueurs qu'ils suscitent. De même, le passage ésotérique du rituel final pour ouvrir la porte vers l'autre monde peut dérouter par son manque de clarté et les points de vue fractionnés des protagonistes. Néanmoins, le ton lent du récit, la profonde recherche du caractère complexe des personnage, le déroulement des tenants et aboutissants de l'intrigue quant aux conséquences du maintien de la magie en ce monde constituent la marque de fabrique de l'auteur. Le personnage du mage est particulièrement réussi car jusque-là uniquement entraperçu ou évoqué, il occupe ans ce volume une place de premier plan. A priori dénué de tout sentiment humain, petit à petit il laisse apparaître d'autres facettes de sa personnalité qui l'éloignent du stéréotype du magicien sans cœur et impitoyable pour former un être émouvant, tiraillé entre sa mission de détruire la magie, ses sentiments naturels, et la fascination qu'il éprouve à l'égard de la comtesse de Shilton.
Vous l'aurez compris, ce quatrième volume possède le même haut niveau de qualité que les autres livres de l'auteur et devrait plaire à ses admirateurs autant qu'aux amateurs d'histoires bien construites et pleines de riches descriptions.
— Belgarion