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La Sorcière sans nombril

Tome 1 du cycle : Mille pertuis
ISBN : 978-207517900-3
Catégorie : Jeunesse
Auteur/Autrice : Julia Thévenot (Proposer une Biographie)

Nommé au prix Elbakin.net 2024 du meilleur roman de fantasy francophone jeunesse

Quand, du haut de ses quinze ans, Ortie se retournait sur son enfance, c’était là qu’elle se retrouvait: sur le sofa de Tante Viv, entre ses deux sœurs. Épine, préadolescente aussi brillante que contradictoire, source infinie de portes claquées, qui remplissait 90 % de l’attention de leur sorcière de mère. Et la petite Ronce, qui avait une façon bien personnelle d’occuper les 10 % restants. C’est à cette époque-là que tout a vrillé. Là qu’Ortie a commis un impair de catégorie supérieure, qui lui a pavé la voie vers de très sérieux problèmes.

Critique

Par Izareyael, le 28/09/2024

Drôle, décalé et inventif, parfois un peu trash aussi, La Sorcière sans nombril passe à la moulinette les récits traditionnels sur les sorcières et leur magie ! Tous ces éléments rebattus et même cliché hachés menu et apprêtés sauce contemporaine par la créativité débridée de Julia Thévenot. Ortie, son héroïne, possède la naïveté et l’inventivité de l’enfance, qui a une imagination sans limite pour se créer des problèmes et les aggraver en tentant de les régler par des solutions qui semblent absurdes à un adulte mais sont parfaitement logiques pour n’importe quel enfant un peu sensé…
Il ne faut pas chercher une logique ou une raison trop rigides dans ce roman, et surtout pas prendre son contenu au pied de la lettre ! Cela ne conviendra donc pas à tout le monde, et cela quel que soit l’âge du lecteur ou de la lectrice.

Et l’autrice ne nous aide pas beaucoup au début, nous jetant dans cet univers déroutant en ne nous en donnant que peu à peu les clefs de compréhension. En outre, le rythme du récit est assez inégal. Lent au début, où l’on n’a pas trop l’impression d’avancer mais où l’on s’amuse beaucoup trop pour s’en soucier, il accélère assez brusquement, avant de ralentir de nouveau, voire de s’amollir franchement pendant le début de la deuxième partie. La présentation de Wandrille peut d’ailleurs paraître répétitive par endroits avant que l’on comprenne où elle mène.
Mais si l’on passe outre ces quelques écueils et que l’on accepte de se laisser entraîner dans cette ronde joyeuse, décalé et même ébouriffante à l’occasion, quelle bouffée d’air frais !

Ortie déploie toute sa créativité pour retrouver le Nord qu’elle a perdu dans une expérience malheureuse – le Nord qui est dans le nombril des sorcières et leur donne leur magie… Elle ne doit rien laisser paraître de ce handicap à sa communauté de sorcière, sous peine d’être exclue et de mettre en danger le « commun » à qui elle l’a donné – comprendre le petit garçon sans pouvoirs magiques avec qui elle a commis le crime de lèse-sorcière d’être amie et que le Consulat des sorcières n’hésiterait pas à éliminer comme témoin gênant. Tiraillée entre la tradition familiale et sa farouche volonté d’indépendance, Ortie se débat contre l’autorité, contre ses proches, contre elle-même, contre l’univers même, pour tracer sa route.
Julia Thévenot l’accompagne ainsi dans toutes ses tentatives, ses erreurs, ses espoirs et ses apprentissages, de l’enfance à l’adolescence, avec beaucoup de bienveillance mais aussi beaucoup d’amusement. Complice d’Ortie dans tous ses méfaits, la narration adopte tour à tour un ton enjoué ou plus grave, affectueux mais aussi ironique, voire moqueur, mais jamais méchant. L’autrice joue à saute-mouton entre toutes ces humeurs, s’affranchissant souvent des conventions de la langue et la faisant naviguer entre familière et soutenue, à l’aise dans tous les registres. Ainsi, grandir n’est simple pour personne, encore moins pour une sorcière sans Nord, et cela ne se fait pas sans drame pour Ortie non plus… mais découvrir son corps quand on est une jeune sorcière ? Facile, il suffit de se sortir les tripes du ventre pour les examiner ! Sans parler de tous les fluides corporels et rognures d’ongles divers qui entrent dans la composition des sorts…
On passe donc en un clin d’œil du dégoût au rire, de l’inquiétude à la joie, sans prévenir : comme dans la vie, quoi. Le récit nous réserve aussi des moments de tendresse et de douceur, qui peuvent parfois tourner à l’acide – mention spéciale pour les papiers au lait.

Ortie est l’œil de ce cyclone dans lequel nous entraîne l’autrice, et elle est bien entourée. Si La Sorcière sans nombril est un récit d’enfance, d’apprentissage et de découverte de soi, on y trouve aussi la découverte des autres, l’amitié et la sororité, de sang comme de cœur. Julia Thévenot nous offre en particulier une formidable équipe avec les trois sœurs aussi épuisantes qu’attachantes : Épine la surdouée ambitieuse si agaçante mais sur laquelle on compte toujours, Ortie l’aventurière impulsive qui lutte pour sa liberté et Ronce l’increvable observatrice qui lâche des remarques incroyablement perspicaces entre deux chocolats chauds à la Javel. Malgré leurs différences et leurs brouilles enfantines, elles se montrent solidaires face à celles et ceux qui veulent limiter leur liberté d’entreprendre ce que bon leur semble, y compris de grosses bêtises, et de vivre leur vie comme elles l’entendent. Autour d’elles gravitent une mère souvent distraite, des préceptrices parfois austères, des Tantes dont il est impensable de remettre en cause l’autorité.

Dans la deuxième partie du roman, on fait la connaissance de Wandrille, humain ordinaire (quoique…) qui permet à l’héroïne comme aux lecteurs de remettre en perspective bien des informations que l’on pensait fiables sur les sorcières et leurs principes… Car cet univers de femmes construit comme un bastion contre les hommes (mais que deviennent les enfants mâles des sorcières, se demande sans cesse Ortie) n’est pas dénué de préjugés lui non plus. Chasseurs et Consulat finissent, parfois, par se rejoindre dans leur rejet de la différence et de l’individualité excessive.
Et s’il y a une chose qu’est sans conteste Ortie, c’est bien excessive.

Et c’est là l’une des leçons finales de ce premier tome de Mille pertuis : au milieu de la rigolade, de l’exploration, de l’émotion, on apprend à s’ouvrir aux autres, à dépasser ses idées préconçues et à accepter qui ne nous ressemble pas, qui n’est pas aussi fort ou aussi doué ou aussi avantagé que nous. Faire preuve de solidarité et de bienveillance envers soi comme envers les autres, voilà ce que nous apprend aussi Ortie…

Comme elle et comme nous, perdez votre Nord le temps de cette lecture, laissez-vous entraîner avec elle dans le tourbillon inattendu et émouvant de La Sorcière sans nombril et retenez votre souffle en attendant le prochain tome !

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