Semailles

Tome 1 du cycle :
ISBN : 978-281020614-8
Catégorie : Bd
Auteur/Autrice : Elk (Proposer une Biographie)

Depuis plus de dix ans les Drévossènes vivent coupés du monde, isolés par le Haut-Mur et ses portes scellées. Dix ans que le prince Ivan traque les errants qui déciment son peuple.
Mais à ses yeux, c’est une menace bien plus dangereuse que ses patrouilleurs viennent de découvrir en pleine zone infestée : un étranger venu de l’Extérieur. Candide. Indemne. L’innocence même…

Critique

Par Gillossen, le 27/02/2025

Dès les premières pages de ce Semailles, premier volet de cette nouvelle série Les Chants du Chaos, une identité graphique forte nous saute aux yeux.
Le trait, expressif et détaillé, donne vie à un monde au parfum de fantasy médiévale où la menace est aussi mystérieuse qu’omniprésente. L’ensemble des planches est marqué par l’atmosphère pesante d’une cité en sursis, confinée face à un mal indéfinissable. La palette de couleurs, jouant sur les contrastes entre tons chauds et froids, sert une narration immersive.
Si le dessin captive, le récit ne se limite pas à dépeindre un monde en danger constant. Elk, qui a d’abord fait ses armes dans le jeu et l’illustration, construit une tension psychologique certaine, notamment autour d’Ivan, personnage principal dont les dilemmes moraux et les émotions contenues apportent une profondeur bienvenue. Mais, s’il est dépeint comme méfiant et tourmenté, notamment face à l’arrivée de l’étranger Sovir, cette méfiance se transforme en obsession, dont le traitement manque souvent de subtilité. Ledit Sovir ne s’en tire pas forcément mieux, souvent réduit au rôle de miroir trop lisse des tourments du prince.
De même, dommage que les personnages secondaires, notamment féminins, demeurent justement trop en arrière-plan de la toile qui se tisse sous leurs yeux et les nôtres. 
On notera aussi, dans un registre plus anecdotiques, certains dialogues qui tranchent avec l’ambiance posée par le dessin. L’usage d’expressions contemporaines (comme un “T’es sérieux ??”) détonne parfois dans cet univers inspiré du Moyen Âge, et ce contraste peut quelque peu déstabiliser côté l’immersion. Mais au-delà de ces légers décalages, le souffle narratif est porté par une tension qui ne faiblit pas. Les interludes poétiques, accompagnés d’enluminures, participent à donner une identité propre à l’album, ajoutant une dimension supplémentaire à l’histoire, un peu plus de personnalité, même si ce n’est que sur le papier, et non au cœur de l’histoire elle-même.
En conclusion, Les Chants du Chaos : Semailles se distingue avant tout par sa maîtrise graphique et sa façon d’installer un univers dense sans jamais tomber dans la surcharge. Il faut dire que bénéficier de plus de cent pages doit faciliter les choses sur ce point ! Néanmoins, le développement des personnages et certains aspects narratifs pourraient gagner en profondeur et en cohérence. Le soin apporté à l’édition (format imposant, vernis sélectif…) accentue en tout cas cette expérience visuelle forte. Une introduction pas toujours pleinement convaincante, mais qui donne envie de voir jusqu’où Elk emmènera cette trilogie.

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