Même si le dernier tiers des tomes écrits par Jean Van Hamme sont bien en dessous du niveau habituel, Thorgal reste une incontournable bande-dessinée de fantasy et surtout, elle est accessible à tous. L'histoire peut se diviser en trois cycles: "Brek Zarith" (tomes 4 à 6), "Le Pays Qâ" (tomes 9 à 13), et "Shaigan-sans-merci" (tomes 17 à 22), le reste des volumes étant des histoires indépendantes, mais respectant toujours une certaine continuité. Rosinski et Van Hamme ont su imposer très tôt leur héros, nourris d'aventures mais aussi de questionnements sur la condition humaine.
En prenant pour base certains éléments de la mythologie scandinave, ils ont ainsi réussi à y intégrer des thèmes toujours d'actualité comme l'exclusion, la quête identitaire, le rejet de soi, les dérives totalitaires et scientifiques ainsi que les sentiments habituels: l'amour, l'amitié, la haine, la vengeance, la fidélité ou l'infidélité dans lesquels chacun (petits et grands) pourra se reconnaître. Ils ont également su faire évoluer leur univers et leurs personnages pour faire de leur BD un incontournable, riche et de qualité, que ce soit au niveau du dessin (qui a su évoluer, dans le bon sens, avec le temps) ou du scénario qui parvient (après plus de 30 tomes) à rester, le plus souvent, original.
Malgré tout, tous ces ingrédients se sont peu à peu gâtés dans les albums 23 à 27, le Mal Bleu notamment marquant une certaine déchéance du mythe Thorgal, et les suivants ne relevant pas vraiment le niveau. Dessin ou scénario, nos héros, fictifs ou réels (les auteurs...), semblaient fatigués, pire, las ! Thorgal lui-même paraissait errer d'une épreuve à l'autre, sans but précis.
Tome 28 : que dire ? Si le fait de tenir là encore une histoire réglée en un unique album n'aide pas le rythme à retrouver pleinement le souffle des toutes meilleures aventures, il y a tout de même du mieux. Là encore extrêmement liés, Rosinski a visiblement retrouvé un certain plaisir à dessiner les aventures de son barbare, tandis que l'histoire concoctée par Van Hamme parvient à surprendre, tension et même révélations étant de retour ! Bref, un sursaut appréciable, avant la fin de la première épopée au prochain tome, suivie d'un changement de scénariste !
Tome 29 : Thorgal doit ainsi laisser la place à Jolan, et à un nouveau scénariste, ce à quoi cet album en couleurs directes nous prépare plutôt bien, même si l'on ne tutoie toujours pas les sommets. A noter qu'il existe dans une édition - plus chère - proposant à part les scripts du scénario.
Tome 30 : La reprise par Yves Sente au scénario nous laisse un peu sur notre faim. Tout repose, ou presque, sur une révélation finale qui ne pourra que diviser les fans au passage, d'autant qu'elle n'apporte rien au récit lui-même. De quoi demeurer perplexe, quand bien même se fait-on prendre au piège ! En tous les cas, il n'est de toute évidence pas dans les intentions du nouveau scénariste de remettre en cause les ingrédients de cet univers. En espérant tout de même qu'il sache se défaire des relents partagés avec les 6-7 albums précédents pour renouer avec l'âge d'or, dont le personnage de Jolan n'était d'ailleurs pas absent.
Tome 31 : Deuxième album scénarisé par Yves Sentes, ce Bouclier de Thor ne marquera certes pas la saga, mais renoue avec les opus dans la bonne moyenne, en nous montrant un Jolan entreprenant digne fils de son père. Un père qui n’est toujours pas « mis à la retraite », puisque Thorgal occupe une place non négligeable dans cet album. S’il reste à sa place en tant que second rôle, nous devrions clairement être appelé à le revoir. De quoi justifier que la série n’ait pas changé de titre pour le moment.
— Gillossen
