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The Sundering

Banewreaker

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Godslayer

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Chronique

Écrit par son auteur entre les deux trilogies Kushiel, The Sundering peut donner au lecteur l’impression d’un simple décalque des récits de Tolkien, Le Silmarillion au premier chef : des Êtres tous puissants qui façonnent le monde, une querelle fratricide, une prophétie, un monde plongé dans le chaos et la lutte du Bien contre le Mal.
Si la trame est très classique, la manière l’est beaucoup moins. En effet, Jacqueline Carey, de manière habile, renverse complètement la perspective habituelle et donne le beau rôle aux « méchants » qui se voient accorder le temps d’exposition que les auteurs de high fantasy réservent généralement aux héros.
Mais le propos de la romancière américaine est plus subtil : il nous oblige à réévaluer notre vision du Bien et du Mal et à nous poser la question : êtes vous maléfique parce que c’est ce que les autres pensent de vous ? Cette interrogation illustre bien la maxime classique selon laquelle l’Histoire est écrite par les vainqueurs. Et si, et si les méchants n’étaient pas si mauvais que ça ? Et si les gentils portaient aussi leur part de responsabilité dans les tourments de ce monde ?
Le personnage de Tanaros illustre bien cette ambivalence : soldat fidèle d’un roi qui le récompensa en faisant de la femme de Tanaros sa maîtresse, il tue les deux infidèles et fuit son royaume natal, le cœur rongé d’amertume et son nom honni par ceux qui furent les siens. Parmi les autres personnages marquants, on compte la reine Cerelinde, engoncée dans ses certitudes morales au début, persuadée d’être dans son bon droit, elle est amenée par la force des choses à procéder à un examen de conscience et réalise peu à peu que le blanc virginal dans lequel se drapent les siens ne correspond pas tout à fait à la réalité. La sorcière Lilias, compagne du dragon Calandor, ou encore le sang-mêlé Ushashin s’ajoutent à ces portraits et l’ensemble fournit au lecteur une vision nuancée et convaincante du monde.
Toutes ces lignes sans avoir évoqué le contenu du livre : c’est que celui-ci n’a pas au final une grande importance. Non pas qu’il soit anodin ; c’est tout simplement que l’ampleur des interrogations morales prend le pas sur l’action proprement dite.
Il y a un côté tragique dans l’inexorable enchaînement des choix faits par les protagonistes et de leurs conséquences ; « Les choses sont comme elles doivent l’être » répètent d’ailleurs à plusieurs
occasions les personnages des deux camps et cette maxime illustre bien ce fatalisme poisseux qui enrobe le roman.
Il est d’ailleurs permis de penser que les similitudes entre The Sundering et Le Silmarillion sont un choix volontaire, comme s’il s’agissait de mieux révéler par là ce qui distingue Carey de Tolkien. En se posant la question du comment, les personnages voient leur confiance en eux s’envoler et leur foi même en un futur plus juste, en une lumière bienveillante baignant le monde de sa chaleur disparaître.
Le lecteur sortira certainement du roman, à l’image des personnages eux-mêmes, ébranlé dans ses certitudes.
Jacqueline Carey nous livre donc avec ce diptyque un bel exemple d’une écriture mettant en valeur le clair-obscur et la nuance des coloris. Elle démontre la variété des facettes de son talent, en enchaînant avec brio tant la narration en apnée émotionnelle de la série des Kushiel, la high fantasy « à la Tolkien » que le récit d’anticipation futuriste de Santa Olivia.

JohnDoe

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