Conan le Cimmérien
Conan est l'un des personnages de fiction les plus connus au monde. Robert E. Howard l'a créé en 1932 et avec lui, l'heroic fantasy. Ce héros, ainsi q...
Conan est l'un des personnages de fiction les plus connus au monde. Robert E. Howard l'a créé en 1932 et avec lui, l'heroic fantasy. Ce héros, ainsi q...
« L'écuyer accourut à son aide, mais Conan l'écarta d'un geste brusque. - Donne-moi cet arc ! dit-il en grinçant des dents, montrant un puissant arc e...
« - Mon oncle était à Venarium lorsque les Cimmériens ont déferlé sur les remparts. Les barbares ont surgi sans prévenir des collines en une horde sau...
Avec cette trilogie, Bragelonne bat très fortement en brèche son image d'éditeur purement mercantile. Il faut bien avouer que cette intégrale de Conan en version collector fait sans doute partie des plus belles perles parues ces dernières années dans le paysage de la fantasy. Cette entrée dans le monde de l'excellence n'est absolument pas fortuite ; bien au contraire, ces trois volumes respirent les heures de travail acharnées pour que le résultat soit au rendez-vous. Tant sur le fond que sur la forme.
Commençons par l'aspect extérieur ; si cas très improbable, vous deviez perdre tout souvenir de Conan le barbare, une chose est sûre, un simple coup d'œil à la série sur vos rayonnages ne pourrait manquer de réveiller votre mémoire. Jaquette noire sur toile rouge bordeaux, quelques dorures viennent rehausser le côté robuste de ces volumes imposants. Tout cela pourrait se résumer simplement, voici le barbare fait livres. S'ajoutent à cela de très nombreuses illustrations en noir et blanc qui soulignent les temps forts des différentes nouvelles. Le choix d'un illustrateur par livre est intelligent ; les différentes perspectives apportées par les artistes permettent de ne pas figer Conan à l'image classique d'un Frazetta ou celle incarnée par Arnold Schwarzenegger. Ne reste dès lors plus qu'à tourner les pages.
Permettons-nous une dernière digression (de taille) avant de poursuivre cependant. Le fait est connu, mais peut-être pas de la majorité. Une grande partie de ce que l'on vendait comme des aventures de Conan n'avait souvent pas grand-chose à voir avec R. E. Howard : coupes lors de la première publication, retouches lors des rééditions, « travail de révision » entrepris par Lyon Sprague de Camp, divers auteurs ayant étendu l'univers d'origine... Peu de choses ont été épargnées à Conan (que ce soit en version originelle ou française). Mais le barbare triomphe toujours, preuve en est avec la publication pour la première fois de cette version française intégrale, non expurgée et dans l'ordre d'écriture.
Avant de s'engager dans cette lecture, on peut légitimement se demander ce qu'elle pourrait apporter tant Conan imprègne fortement l'imaginaire collectif (comics, dessins animés mais surtout à cause du film). Cette image formée de préjugés est-elle complètement fausse ? La réponse n'est pas facile. Conan est à la fois tout cela : une force de la nature aimant la bagarre, l'alcool et les femmes. Ses aventures sont remplies d'ennemis vicieux, de magiciens maléfiques, de demoiselles en détresse court vêtues et de joyaux étincelants. De l'heroïc fantasy pur jus, même si Howard ne savait sans doute pas qu'il posait là les canons du genre.
Mais Conan c'est aussi bien plus que cela. Et c'est là que l'excellent travail de Patrice Louinet prend tout son sens. Son accompagnement de l'œuvre, ses explications permettent de donner plus de profondeur au personnage. Son choix de présenter les récits par ordre d'écriture n'est déjà pas anodin. De Camp choisit plus tard une chronologie se terminant par le couronnement du Roi Conan. Ce « plan de carrière » n'est pourtant aucunement le fait d'Howard. Ce dernier aimait à répéter que les aventures de Conan étaient une suite de récits comme ceux que l'on entend autour d'un feu de camp, lorsque les aventuriers racontent un épisode de leur tumultueuse vie. Un jour roi, le lendemain voleur, Conan vit dans l'instant. Inutile de vouloir le faire rentrer dans une logique de civilisé.
Cet ordre d'écriture jette également un autre éclairage sur l'œuvre puisqu'elle permet d'établir un parallèle avec la vie d'Howard. Sans chercher à excuser quoi que ce soit, Howard écrivit souvent par nécessité pécuniaire. Il se devait donc de vendre ses nouvelles. Une héroïne dénudée, des combats et un scénario cousu de fil blanc lui assuraient la couverture du magazine et de quoi vivre. Qui lui jetterait la pierre ? Et voici comment naquirent des nouvelles qualitativement « pauvres ». Mais lorsque des défis tel qu'écrire sur un format plus long se présentèrent ou lorsque Howard laissa transparaître un peu de sa vie personnelle dans ses œuvres, comment ne pas être conquis ? Les différents ajouts - on pourrait même parler de goodies - comme les synopsis, lettre et autres commentaires apportent un plus très appréciable. Ils permettent une prolongation de la réflexion entamée en introduction par Patrice Louinet et, loin d'être insipides, renouvèlent au contraire l'intérêt de cette nouvelle édition.
Mais tout cela n'est rien au final devant la plume d'Howard. C'est là, la très grande force du Texan. Donnez-lui une poignée de mots, et en quelques lignes, le lecteur est inéluctablement happé dans l'aventure. Conteur magnifique, il a un don pour la plongée rapide droit au cœur de l'intrigue. Soudain, vous voici en Cimmérie ou en Aquilonie aux côtés de Conan ; la plongée a été brutale et dès lors il ne vous reste plus qu'à chevaucher de concert. Finalement la magie ne tient qu'à peu de choses, mais l'essentiel est là. Howard l'avait bien compris. Et la seule chose que l'on peut regretter, c'est de ne pas voir plus d'auteurs avec cette facilité parmi les parutions récentes.
En conclusion, nous ne pouvons vous donner qu'un seul conseil. Surtout ne passez pas à côté de cette réédition. Même si vous pensez tout connaître de Conan, même si vous pensez ne plus rien avoir à apprendre de ces aventures, il y a fort à parier que ces trois volumes sauront vous détromper. Et quand bien même vous seriez l'expert ultime du Barbare, lire pour la première fois une version aussi proche que possible de l'originale en français est un cadeau magnifique. Merci encore M. Louinet !