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Servir froid

Titre VO: Best Served Cold

Tome 4 du cycle : La Première loi
ISBN : 978-235294637-3
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Joe Abercrombie

C’est le printemps en Styrie.
Et avec le printemps, vient la guerre… Et la guerre peut être un enfer, mais pour Monza Murcatto, Serpent de Talins, mercenaire célèbre et redoutée que ses victoires ont rendue très populaire, c’est aussi une bonne manière de se faire de l’argent. Toutefois cette notoriété n’est pas du goût de tous ses employeurs, notamment du Grand-Duc Orso qui entend balayer tous les obstacles dans sa lutte pour accéder au trône. Pour prix de ses services, Monza se voit trahie, jetée du haut d’une montagne et laissée pour morte… ou presque. Bien que son corps soit brisé, son esprit réclame vengeance. Quoi qu’il lui en coûte, sept hommes devront mourir ! Elle aura à ses côtés des alliés hors du commun : un ivrogne charismatique, un empoisonneur fourbe, un meurtrier obsédé par les nombres et un barbare désabusé. Leurs ennemis : plus de la moitié du peuple. Avec, à sa tête, les sept hommes qu’elle s’est jurée de tuer. C’est le printemps en Styrie.
Et avec le printemps, vient la vengeance…

Critique

Par Merwin Tonnel, le 25/06/2013

Avant toute chose, répondons à une question récurrente : faut-il avoir lu la trilogie de La Première Loi avant de lire Servir Froid ? Au risque de me faire taxer de normand, j’ai envie de dire : oui et non.
Non, car structurellement parlant, Servir Froid est un roman indépendant qui raconte une histoire complète et l’introduction dans le monde de Joe Abercrombie se fait de la même façon que dans Premier Sang, c’est-à-dire brutalement et avec des informations disséminées au compte-gouttes. Bref, il n’est pas nécessaire d’avoir lu la première trilogie pour comprendre et apprécier Servir Froid.
Cependant, de nombreux personnages principaux de La Première Loi refont ici une apparition, qu’ils soient nommés ou pas ; certains ont un rôle important, d’autres n’y font qu’un passage furtif. Les clins d’œil à des évènements antérieurs sont donc légion et les motivations de certains protagonistes ne deviennent vraiment limpides qu’à la lumière des romans précédents. Sans compter le fait que retrouver tel ou tel personnage dans Servir Froid signifie qu’il a passé l’épreuve du feu de la Première Loi et en est ressorti vivant. Si le spoileromètre est finalement assez bas, il n’est pas non plus à zéro.
Un autre élément est aussi à prendre en compte : il apparaît évident, notamment à la lecture de la fin de Servir Froid, que Joe Abercrombie a une grande histoire à raconter, un arc narratif qui pourrait bien couvrir l’ensemble de son œuvre dans cet univers. Il serait alors préjudiciable pour la compréhension de cet arc qui parsème les différentes parutions de l’auteur de ne faire que picorer un roman en en laissant un autre de côté.

Cette question mise de côté, attaquons-nous maintenant à la critique du roman en elle-même.

Avec La Première Loi, Joe Abercrombie s’était révélé comme une nouvelle voix en fantasy, dont la cruauté, le cynisme et le nihilisme apportaient une fraîcheur bienvenue dans le genre. Mais, une fois cette voix assimilée, sa trilogie souffrait quand même de certains défauts non négligeables : à trop vouloir coller aux poncifs de la high fantasy pour mieux les exploser à coups de hache, d’insultes, de sexe et de torture, La Première Loi ne racontait finalement pas grand-chose d’original et réservait peu de surprises, une fois l’exercice de style compris.
Ces faiblesses sont heureusement corrigées, et de bien belle manière, avec Servir Froid. En nous présentant un récit de vengeance tarantinesque à la violence cathartique et aux nombreux rebondissements, Abercrombie trouve ici chaussure à son pied : son style, toujours aussi percutant, drôle et évocateur, est enfin en parfaite adéquation avec l’histoire qu’il veut raconter et le fond et la forme se répondent et s’enrichissent ainsi l’un l’autre. Le format one-shot permet également d’éviter les longueurs que l’on pouvait trouver dans ses premiers romans.
Mais le style de l’auteur et son approche très sombre, adulte et cynique ne sont pas les seules forces de Servir Froid et le roman propose bien plus que ces aspects qui pourraient passer pour racoleurs.
Du côté des personnages, d’abord, c’est un sans faute, et Glokta et Logen sont rejoints par Monza, Shivers, Cosca, Cordial ou encore le discret Shenkt parmi la galerie des protagonistes les plus mémorables du Cercle du Monde. Là où Abercrombie frappe juste c’est que chacun offre au minimum deux facettes. La première, un peu bad ass, est celle qui permet de pitcher facilement chaque personnage et, de par ce côté très mauvais genre, d’accrocher le lecteur dès la première rencontre : de la générale sans pitié au barbare bien bourrin en passant par le mercenaire alcoolique et beau parleur, le tueur autiste accro aux chiffres ou le chasseur de têtes surhumain, il faut bien avouer que le fan de caractères trempés et bigger than life est servi. Mais tout l’intérêt de la chose vient de la profondeur que sait insuffler Abercrombie dans ces jolies carcasses : en allant plus loin que le personnage dur à cuire, en lui donnant une vraie humanité et une vraie raison d’agir comme il le fait, l’auteur arrive à donner vie à des concepts qui auraient pu ne pas se sortir du carcan initial. Mais il ne tombe pas non plus dans la facilité et ne vous attendez donc pas à découvrir que tel ou tel pourri de la bande à Monza est en fait un cœur d’or qui se cache. C’est un livre d’Abercrombie, après tout.
L’autre intérêt de Servir Froid provient de sa construction. L’histoire commence comme un récit de vengeance personnelle à la structure apparemment répétitive (une partie = une ville = un meurtre) et son côté film de braquage, avec la fine équipe qui échafaude des plans et des mises en scène pour se débarrasser de ses ennemis, permet de faire tranquillement connaissance avec les protagonistes. Mais, progressivement, l’histoire prend plus d’ampleur, les actions ne restent pas sans conséquence et, bientôt, c’est le sort de la Styrie, voire plus, qui est en jeu. Et tout cela sans jamais laisser de côté les personnages.
Abercrombie finit alors de manière plus subtile, et donc plus efficace, que dans La Première Loi, où l’on sentait que l’auteur voulait pousser son contre-pied à la fantasy classique à son paroxysme quitte à avoir un peu la main lourde. Une fin très satisfaisante, qui sait laisser les bonnes portes ouvertes tout en apportant la conclusion nécessaire au lecteur.
La vengeance est peut-être un plat qui se mange froid, mais servi par Joe Abercrombie, c’en est surtout un qui se consomme sans modération.

8.0/10

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