Notes de production

Pour porter à l'écran le plus ancien poème épique en langue anglaise et en restituer toute la magie, Robert Zemeckis a mobilisé les moyens technologiques les plus avancés de notre temps.
Fruit de dix années de travail pour les scénaristes Neil Gaiman (auteur du Légendaire cycle "Sandman") et Roger Avary (Oscar du meilleur scénario pour Pulp Fiction), La Légende De Beowulf est une épopée cinématographique sans précédent et une spectaculaire plongée dans l'ère lointaine et tumultueuse des héros conquérants, des monstres et des dragons.
"Honnêtement, rien ne m'attirait au départ dans le poème original", avoue Robert Zemeckis. "Je me souviens d'avoir dû le lire au lycée et de n'y avoir rien compris du fait que c'était en vieil anglais. Je me suis empressé d'oublier ce pensum et n'ai jamais cru qu'on pourrait en tirer un film.

Pourtant, le script de Neil Gaiman et Roger Avary m'a immédiatement captivé. "Comment avez-vous réussi à rendre aussi fascinant un poème qui m'était apparu comme le comble de l'ennui ?", leur ai-je demandé. Et eux de répondre : "Ce poème a été écrit entre le septième et le douzième siècle, mais il se transmettait alors oralement. Seuls les moines savaient écrire à l'époque, et l'on peut supposer qu'ils ont procédé à pas mal de retouches, de coupes et d'ajouts."

Neil et Roger sont allés au-delà du texte, ils se sont interrogés sur ses lacunes et ont réfléchi sur le travail des moines copistes. Ils ont ainsi réussi à présenter l'essence du poème, tout en le rendant plus accessible au public contemporain. Ils ont fait en chemin quelques découvertes surprenantes. Le résultat, croyez-moi, est très éloigné de la version scolaire de Beowulf. Cela risque de faire du bruit dans les sphères académiques !"

En collaborant avec les deux auteurs au développement du scénario de La Légende De Beowulf, Zemeckis devint pratiquement incollable sur le poème original : "Je l'ai relu après la première mouture et en ai parlé avec des spécialistes. Nombre des thèmes de Beowulf ont une origine biblique : l'itinéraire du héros solitaire, le combat du Bien et du Mal, le prix de la gloire... De fait, Beowulf est à l'origine de tous nos superhéros modernes, de Conan à Superman en passant par Hulk."
"C'est peut-être son contexte qui rend si séduisante la Légende de Beowulf : ce monde épique si propice aux grandes aventures, avec ses monstres, ses séductrices maléfiques, toutes ces choses qui hantaient sans doute notre subconscient en des temps lointains", ajoute le producteur Jack Rapke.

Gaiman et Avary étaient parmi les mieux placés pour ce projet. Le premier est cité par le "Dictionnaire des auteurs littéraires" comme "l'un des dix grands écrivains postmodernes", et est particulièrement apprécié des fans de comics pour sa série "Sandman", qui lui a valu de nombreux trophées. Le fascicule 19, couronné au World Fantasy Award de la meilleure nouvelle, est le tout premier comic-book à avoir remporté un prix littéraire.

Avary est tout aussi apprécié pour ses scénarios et ses films d'une tonalité radicalement noire. Lauréat de l'Oscar du meilleur scénario (partagé avec Quentin Tarantino) pour Pulp Fiction, il a reçu un Prix très spécial à Cannes pour Killing Zoe, et a également adapté et réalisé Les Lois De L'Attraction d'après le roman culte de Bret Easton Ellis. Gaiman et Avary avaient inauguré leur collaboration sur un projet d'adaptation de "Sandman". Une étroite communauté de goûts, rapidement constatée, les incita à poursuivre le travail avec Beowulf. L'aventure se révéla à la fois longue, déroutante... et fort enrichissante.

Neil Gaiman :
"Roger et moi nous étions très bien entendus sur le projet "Sandman". Je l'avais beaucoup apprécié, tant sur le plan intellectuel que personnel. Durant ce travail, Roger vint à mentionner qu'il avait toujours eu envie de porter Beowulf à l'écran, mais que la structure du poème lui posait de gros problèmes. J'ai émis deux ou trois suggestions à ce propos. Roger m'a regardé un long moment, et m'a lancé : "Quand serais-tu libre ?"

Roger Avary :
"Cela faisait dix ans que je planchais sur la question. Le poème, qui raconte successivement le combat de Beowulf, l'affrontement avec la mère de Grendel, puis, après une ellipse de cinquante ans, la rencontre du vieux roi avec le dragon, me semblait partir dans tous les sens. S'ajoute à cela le fait que Beowulf n'est pas le plus fiable des narrateurs. Pourquoi nous dit-il, par exemple, que Grendel se contente de tourmenter Hrothgar ?
Cela m'a amené à me poser une question toute simple, qui a pris une tournure quasi obsessionnelle : QUI est le père de Grendel ? Tout le comportement de Grendel s'éclaire dès qu'on l'examine sous cet angle. Plus tard, Beowulf arrache le bras de Grendel, qui se réfugie dans sa caverne pour y mourir.
Après la riposte de la mère de Grendel, il se risque dans cette caverne avec l'apparente intention de tuer la méchante... mais en ressort avec la tête de Grendel. Troublant ! En fait, Beowulf nous dit qu'il a tué la mère, mais rien ne le prouve. C'est alors que j'ai compris que notre héros avait succombé au chant des sirènes, qu'il avait conclu un pacte avec quelque démon.

"Dans la suite du poème, après que Beowulf monte sur le trône, un dragon s'en prend à lui et menace son royaume. Qu'est-ce que cela vient faire dans l'histoire ? J'étais bien incapable de le dire. C'est alors que Neil a fait cette brillante suggestion : le dragon serait le propre fils de Beowulf, la vivante incarnation de ses péchés. Les deux parties de l'épopée se rejoignaient du même coup. Mais comment expliquer ces failles structurelles ? Sans doute par les altérations successives des versions orales transmises au fil des siècles, mais aussi par les changements opérés par les moines copistes."

Gaiman et Avary n'avaient pas été les premiers à noter les singularités du texte original. David Wright les rappelle dans sa préface à l'édition Penguin Classics, et évoque au passage l'admiration de Tolkien pour le poème.
Dans son essai "Beowulf : The Monsters and Critics", l'auteur du "Seigneur des Anneaux" souligne notamment la dualité de Beowulf, ce superhéros qui reste humain, et par là même faillible : "C'est un homme, et cela suffit pour le vouer à un destin tragique." Un point de vue que Zemeckis fait sien : "Notre Beowulf est un héros plus fragile, plus humain qu'il n'est divin. C'est un personnage réel avec quantité de défauts, le plus marqué étant son infernal orgueil."
Gaiman et Avary parvinrent à boucler le scénario "en une semaine de pure folie" et obtinrent aussitôt l'accord enthousiaste de Robert Zemeckis au projet.

Après avoir développé ses techniques de "performance capture" sur Le Pôle Express, le réalisateur jugea qu'elles se prêtaient idéalement à cette épopée fantastique peuplée de personnages plus grands que nature.
La "performance capture" place l'acteur au centre du dispositif filmique. Ses mouvements, ses gestes, ses mimiques sont captés "à la loupe", avec un maximum de précision par des myriades de capteurs et entrés en ordinateur. L'action se déroule dans un espace tridimensionnel abstrait, et les prises peuvent être montées et panachées avec une grande souplesse. Trois ans après Le Pôle Express, Zemeckis était prêt à franchir une nouvelle étape et améliorer encore cette technologie profondément novatrice.

Steve Starkey :
"Avec la "performance capture", plus besoin de chercher un comédien physiquement proche du personnage, car le look et le jeu sont, dans cette technique, totalement dissociés. Il est clair qu'aucun acteur au monde n'a l'apparence de Beowulf tel que Bob l'envisageait. Qu'importe : nous étions libres de prendre qui nous voulions, pour ses seules qualités d'acteur, et de lui donner en ordinateur l'image que nous souhaitions. Même observation pour les autres rôles, dont Grendel. Dans un film traditionnel, nous aurions dû animer sur le plateau une marionnette de 4 mètres de haut et lui ajouter quantité d'éléments infographiques. Ici, nous avons pu obtenir un acteur de rêve : Crispin Glover, qui a su exprimer toute la douleur de Grendel sans la contrainte d'un costume inconfortable et d'un lourd maquillage prosthétique."

Jack Rapke :
"Une fable mythologique comme La Légende De Beowulf n'exige pas un réalisme "photographique". Elle demandait en revanche un espace tridimensionnel car il aurait été quasiment impossible de matérialiser cet univers en 2D."

Roger Avary :
"J'avais toujours vu cette histoire comme une "musique de chambre" basée sur des interactions fortes, un faisceau d'intrigues, des émotions intenses. La "performance capture", en mettant l'accent sur le jeu de l'acteur, nous a permis de faire exploser les limites du cinéma traditionnel. Plus rien ne retenait notre imagination..."

Une technique révolutionnaire

Bien que le numérique joue un rôle majeur dans la fabrication de La Légende De Beowulf, Zemeckis note que sa structure et son esthétique sont largement informées par les techniques du cinéma traditionnel.

Robert Zemeckis :
"Les mouvements de caméra ne diffèrent en rien de ceux d'un film normal en deux dimensions. C'est d'ailleurs le cadreur de Robert Presley (le chef opérateur) qui en assurait les répétitions à la main. Lorsque le mouvement était au point, c'est encore lui qui pilotait la caméra numérique via l'ordinateur.
"Dans nombre de dessins animés actuels, la caméra colle au moindre mouvement du personnage. D'un clic, elle est tout de suite présente ! Or, dans un film en prises de vues réelles, la caméra suit le personnage avec un petit temps de retard. Ce décalage procure un sentiment de confort au spectateur, il le place à son insu en position de voyeur au lieu de le soumettre à un épuisant bombardement d'informations visuelles. Si nous avions fait entièrement le film à l'ordinateur, nous n'aurions pas obtenu ce décalage, cette petite imperfection qui est la marque du réel."
Pour obtenir de l'équipe layout des mouvements et cadrage "cinéma", Zemeckis dut l'initier au langage des prises de vues traditionnelles. L'élaboration des décors et costumes demanda le même effort de transposition et d'adaptation au 3D.

Steve Starkey :
"En abordant ces nouvelles techniques, j'ai réalisé que le cinéma classique avait laissé en moi des traces indélébiles. Je suis, par exemple, bien plus à l'aise de voir créer les costumes et décors dans le monde réel plutôt que de les voir surgir ex abrupto sur un écran d'ordinateur.
De fait, nous dessinons d'abord ces éléments à peu près comme sur un film traditionnel avant de les entrer en ordinateur Après que Gabriella Pescucci eut créé tous les costumes de La Légende De Beowulf, nous avons habillé nos acteurs un à un et les avons numérisés pour en conserver une référence visuelle. Idem pour leurs cheveux, et même leur corps. Résultat : tout ce que vous voyez dans le film, hormis les créatures démoniaques, a un fondement réel."

Robert Zemeckis :
"Le look est un hybride intéressant, très "photoréaliste", mais pas complètement réel. Une palette visuelle originale nous a permis de raconter une histoire à mi-chemin du réel et de l'imaginaire, un récit crédible mais "plus grand que nature", avec une imagerie différente de l'imagerie numérique qui nous entoure de partout, à la télé, sur nos ordinateurs, dans nos jeux vidéo.

"Un exemple : nous avons créé pour ce film trois éclairages de base distincts : l'éclat diffus du soleil, au Danemark en hiver ; le feu ; les reflets de l'or. Ces trois lumières constituent notre palette et se retrouvent tout au long du film. Grâce à l'ordinateur, nous avons pu nous en servir en toute liberté, soit pour illuminer la totalité du champ, soit comme éclairage d'appoint. Une liberté dont on ne dispose pas sur un plateau ordinaire."démoniaques, a un fondement réel." un plateau ordinaire."

Autre novation et autre progrès significatif de la "performance capture" : la restitution des mouvements des yeux des personnages.

Steve Starkey :
"À l'époque du Pôle Express, il nous était encore impossible de représenter à la fois les expressions des visages et les mouvements des yeux, faute de pouvoir y placer des capteurs. Un nouveau dispositif, l'EOG, nous a permis cette fois d'enregistrer les deux à la fois, en même temps que la gestuelle des acteurs."
Le succès rencontré par la version 3D du Pôle Express a incité les producteurs à poursuivre l'expérience sur tous les films en "performance capture" à venir. "Entièrement réalisés en 3D, ces films sont aisément présentables dans ce format", souligne Starkey. "Le 3D permet au public de s'immerger pleinement dans le spectacle et de savourer l'ampleur et le relief exceptionnels de l'image."

La Légende De Beowulf bénéficiera aux États-Unis d'une sortie 3D sans précédent, dans plus de 700 salles équipées en IMAX 3D, Real D et Dolby 3D Digital Cinema. Le spectateur de la version 2D ne sera pas lésé pour autant, assure Starkey : "Ayant vu Le Pôle Express dans les deux formats, j'ai trouvé l'expérience 2D aussi palpitante, et je suis convaincu qu'il en sera de même sur La Légende De Beowulf."

"Ce film s'adresse à tous les publics", conclut Robert Zemeckis. "Il s'appuie sur une intrigue sophistiquée, profondément humaine, et des thèmes dotés d'une résonance très actuelle : la soif de pouvoir, de gloire et de richesses, la lutte du bien et du mal sont des réalités incontournables qui ont toujours fait partie de notre histoire."

Dossier réalisé par Elbakin.net