Avec Alva Odyssée, Daniel Hansen et Aksel Studsgarth poursuivent une série facilement inclassable.
Après un premier volume très fantasy urbaine, tendu et nocturne, ce deuxième tome déplace l’action vers un désert brûlant, où l’étrange devient la norme et où le fantastique affleure à chaque page, sans oublier une mer aux éléments déchaînés, et pas seulement ceux qui relèvent de la seule nature. L’intrigue de cette suite tout aussi imposante (300 pages, tout de même !) s’ouvre sur une course poursuite haletante qui voit nos personnages comme chassés par leur propre monde, mais très vite, l’album adopte un rythme fragmenté, alternant scènes d’action brute et plages de silence contemplatif. Le récit avance par à-coups, comme porté par un souffle imprévisible, traversé de visions oniriques et de ruptures de ton maîtrisées.
Graphiquement, le noir et blanc conserve toute sa force d’impact sur le lecteur. Le trait, toujours nerveux, très souple, gagne en ampleur dans les paysages désertiques ou de pleine mer, où l’immensité et la menace cohabitent. Certaines planches frappent par leur densité visuelle, d’autres par leur dépouillement : les auteurs savent quand en faire "trop", et quand s’effacer.
On sent aussi une ambition plus large : la galerie de personnages s’élargit, les enjeux s’intensifient, des éléments mythologiques et horrifiques, djinns, morts-vivants, artefacts aux pouvoirs obscurs, s’invitent sans que jamais l’univers ne vire au bancal. Au contraire, c’est cette oscillation permanente entre réalisme social (trafiquants, migrants, passeurs...) et dérive surnaturelle qui donne son caractère singulier à l’album.
On pourra toutefois regretter un démarrage un peu abrupt. Les lecteurs qui n’auraient pas en tête les détails du premier tome risquent d’être déroutés par l’absence de transition ou de rappel. Mais une fois cette phase surmontée, Alva Odyssée s’impose comme une œuvre dense, habitée, et surtout visuellement marquante.
Et si l’album ne clôt rien, il réussit ce que bien des seconds tomes ratent : relancer le récit, élargir l’univers et attiser nos attentes. La promesse d’un troisième volume est désormais posée.
On l’espère à la hauteur de ce fascinant voyage.
— Gillossen