L'Etroit chemin entre les souhaits est une novella - moins de 200 pages, avec de nombreuses illustrations signées Nate Taylor - qui n'est finalement qu'une version rallongée, d'environ 15 000 mots, d'un texte, L'Arbre-Éclair, paru dans l'anthologie Rogues, publiée en 2014 et chez nous en 2018 (sous le titre Vauriens). Et Patrick Rothfuss lui-même admet que les deux histoires demeurent globalement très similaires dans leurs grandes lignes, et que certains lecteurs considèreront, par conséquent, que cette "nouvelle" parution n'est pas pour eux.
Le fait est que quiconque se souviendra de la nouvelle d'origine ferait déjà preuve d'une bonne mémoire car si cette journée unique dans la vie du mystérieux Bast met en lumière la complexité morale du personnage, partagé entre son désir d'aider et les répercussions potentielles de ses actions, elle ne bouleverse pas l’univers de la série. Elle permet en revanche de mieux cerner Bast à travers ses interactions avec les habitants du village et leurs dilemmes, tout autant que les siens. C’est une plongée dans son quotidien, qui met en avant sa nature fae et sa dualité, entre charme et danger.
Alors, bien sûr, l'un des accords passés lors de cette journée ne résonne pas de la même manière que les autres et aborde un sujet que les récits de fantasy laissent le plus souvent de côté. Le Nom du Vent et sa suite n'ont jamais été une histoire comme les autres sur ce plan, et Rothfuss rappelle dans sa postface en trois parties (!) que le genre fantasy ne l'intéresse pas vraiment pour des questions de monde à sauver, en tout cas, pas en devant jeter un objet dans un volcan.
Mais, pour ma part, cette novella ne m'a pas touché autant que La Musique du Silence et la figure d'Auri. C'est une tranche de vie d'un personnage populaire de l'auteur, dans son style bien à lui, une tranche de vie parfois amusante, émouvante, aussi, mais pas franchement "bouleversante", n'en déplaise à la quatrième de couverture de l'édition française. Le jeune Rike, de par la nature de l'accord qu'il cherche à passer avec Bast et son propre caractère, ses failles et ses fêlures, est celui qui s'en sort le mieux, notamment à travers des répliques qui sonnent juste. C'est grâce à lui que surgit l'émotion que les ajouts enrobent.
Les note de l'auteur ne dissipent pas entièrement cette impression de remplissage (en particulier la troisième partie dédiée à ses enfants), lui qui semble alterner entre contrition et une vraie-fausse candeur qui laisse parfois perplexe, alors même que la question du fameux tome 3 de ses Chroniques n'est jamais abordée frontalement tout en planant constamment. On referme donc ce très beau volume - là-dessus, difficile de parler d'une édition au rabais ! - en faisant la moue, et ce bien qu'il ne soit pas question de porter de jugement sur la façon dont Patrick Rothfuss vit l'écriture et la pression.
Non, L'Etroit chemin entre les souhaits incarne joliment une parenthèse douce-amère, une expérience de lecture plaisante, mais qui peine à laisser une empreinte différente de sa version courte, et, il faut bien dès lors le dire, marquante.
— Gillossen