Et si la rencontre entre François 1er et Léonard de Vinci en 1516 avait modifié le cours de l’Histoire d’une autre manière ? Si, plutôt qu’un mécénat qu’un lion mécanique jetant des fleurs de lys, le génie italien avait offert au roi de France, en lutte contre Charles Quint, une machine à dérégler le temps ? Et si cette « furia » (francese pour le coup), bien, que protégeant les frontières du royaume, risquait aussi de le mener à sa perte ?
C’est peu dire que le personnage de Léonard de Vinci stimule aujourd’hui les créateurs d’imaginaire. Mais en mixant uchronie et voyage dans le temps, Johan Héliot pousse le concept encore plus loin. L’univers qu’il développe est riche, intriguant. L'écriture de l’auteur est descriptive et immersive, permettant au lecteur de se sentir pleinement plongé dans l'action. Les personnages sont bien développés et le lecteur peut facilement s'identifier à eux et ressentir leurs émotions, souvent viscérales. L’inclusion de personnages historiques déjà célèbres, comme le chevalier Bayard, renforce le récit, lui donnant plus de corps. Les héros que l’on suit, notamment le narrateur-chroniqueur, sont à la fois archétypaux dans leur rôle (le jeune innocent qui découvre le monde, la femme fatale, le guerrier violent et sanguinaire qui cache un lourd secret, son compère sage et posé) mais aussi suffisamment bien écrits pour que l’on s’attache à eux.
Les thèmes de la perte, de la trahison, de la survie et de la loyauté sont explorés de manière convaincante tout au long du roman. Plusieurs fois, les protagonistes seront tiraillés entre leur conscience et leur devoir, ce qui ne manquera pas de créer des tensions entre eux, et des rebonds bienvenus dans le récit. Car le plus gros défaut du roman reste indubitablement son rythme.
Après une introduction posée mais riche en mystères qui accrochent sans délai le lecteur, l’intrigue s’emballe subitement, pour retomber aussi rapidement. Et cela à plusieurs reprises, avant de s’achever sur une conclusion trop rapide qui laissera certainement le lecteur sur sa faim. On aurait aimé passer plus de temps dans certains univers alternatifs, et peut-être moins de longueurs dans les scènes d’action, qui finissent par desservir le récit devant leur manque d’enjeu ou leur conclusion trop convenue. On a presque l’impression que l’auteur, après avoir développé de manière intelligente et intéressante son idée de base, ne sait pas où emmener son roman. Trop de questions restent en suspens, et le destin de certains protagonistes est trop vite balayé.
Bien que l’idée de base, la maitrise de la période historique et le développement de l’intrigue font que le roman de Johan Héliot reste plaisant à lire, on doit cependant relever que ses baisses de rythme et une fin que l’on sent brouillonne et précipitée laisseront le lecteur sur sa faim, un goût amer de déception dans la bouche. Un livre plaisant dans l’ensemble, mais qui ne marquera certainement pas le lecteur.
— gilthanas