Figure importante de la fantasy française dans les années 1990-2000, Pierre Grimbert, avait quelque peu quitté le devant de la scène pour se consacrer à l’édition après créé les éditions Octobre en 2004. Mais sans pour autant abandonner le travail d’écrivain. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, vingt-cinq ans après le Secret de Ji, l’auteur nordiste n’a rien perdu de son talent.
Son nouveau roman, Le sang des Parangons, s’inscrit dans un registre de fantasy classique : un air de fin du monde, une quête, un groupe d’aventuriers composés d’archétypes tous plus ou moins différents. A ceci près que le groupe que l’on va suivre ici se compose d’une quarantaine de personnes. Chacune d’entre elle se trouve être le parangon de sa nation, de son clan ou de son institution. Toutes ont été convoquées, recrutées, pour leur qualités de guerrier, de sage, d’archer, de médecin ou de voleur, afin d’aller explorer la montagne sacrée censée abriter le palais des dieux, et de plaider la cause de l’humanité. Car le monde court à sa perte, victime de catastrophes naturelles de plus en plus violentes, au point que certaines nations ont déjà été rayées de la carte. Tout le reste ayant échoué, le destin du monde repose sur donc sur leurs épaules.
Le découpage du roman, en une quarantaine de chapitres courts et nerveux, permet d’alterner les points de vue et de donner un rythme certain au récit. La plupart des personnages se voient consacrer un chapitre, qui permet à la fois de faire avancer l’intrigue principal mais aussi d’en apprendre plus sur tel ou tel parangon. Malheureusement, certains ne sont là que pour le décorum, et n’ont parfois même pas de nom. Malgré tout, on finit par s’attacher à certains d’entre eux, et à craindre pour leur vie, tant le périple au coeur de la montagne sacrée est un chemin semé d’embûches.
On a affaire ici à un récit centré sur les personnages. Le monde hors de la montagne est à peine esquissé, et cela n’empêche pas d’être rapidement happé par la plume de l’auteur. Preuve sil en fallait que l’on peut faire de la fantasy classique de qualité sans développer son world-building ! Petit à petit, cet extérieur s’estompe, et la quête n’est plus qu’un prétexte, tant le destin des parangons est sur le fil du rasoir. Qui survivra ? Qui périra ? Et surtout, tous ces sacrifices seront-ils vains ?
L’environnement décrit par Grimbert, cette montagne oppressante peuplée de créatures et de mystères, stimule l’imagination du lecteur, et celui-ci se retrouve à échafauder ses propres théories. L'explication finale risque toutefois de diviser : certains apprécieront, d’autres moins. Peut-être aurait-il fallu laisser planer le mystère ?
Toujours est-il que Pierre Grimbert nous offre un récit solide, haletant, qui ravira les fans du genre. Un périple divin, mystique, mais à hauteur d’hommes et de femmes, qui, malgré leur statut de parangons, sont loin d’être sans failles, ce qui fait tout leur charme.
— gilthanas