Noon du soleil noir marque la première incursion en fantasy du couple Kloetzer, qui cosigne ce roman (Laurent Kloetzer avait déjà arpenté ces terres en solitaire, mais L.L. Kloetzer œuvrait jusqu’à présent en SF). La quatrième de couverture le dit très explicitement : le texte qui nous est présenté ici est un hommage à Fritz Leiber et son œuvre. Promesse alléchante s’il en est, pour peu que l’on apprécie la plume Kloetzer et ce type de fantasy. Nul besoin de tergiverser pour ménager un quelconque effet : le pari est réussi, le contrat honoré, l’hommage maîtrisé.
On retrouve ici les ingrédients qui faisaient le sel et le charme du Cycle des Épées. Tout d’abord, la ville, la Cité de la Toge noire, avec ses quartiers, ses règles, et surtout animée d’une vie qui ne paraît pas artificielle. On songe à Lankhmar, bien sûr, mais aussi à Wastburg, des cités à la personnalité propre, presque des personnages à elles seules. Côté protagonistes, il y a Yors, notre guide et narrateur, dont la vie aventureuse et bien remplie pourrait sans nul doute faire l’objet d’un récit à part entière. Un peu guide, un peu garde du corps, un peu mercenaire, pas complètement honnête, il se fait conteur, le temps de nous narrer sa rencontre avec Noon. Le ton porte son caractère : un peu rêveur malgré tout, comme si ce morceau-là n’avait jamais complètement cédé face au réel, et très pragmatique, doté d’une conscience aiguë des contingences de la vie. C’est que la sienne, de vie, n’a jamais été ni rose ni facile.
Et puis il y a Noon, bien sûr. Nouvellement arrivé en ville, guère au fait des usages qui y ont cours, il pourrait bien se faire croquer par la cité, tant il semble candide. L’homme n’est pourtant pas sans ressources… et c’est bien là tout le mystère : quelles sont-elles exactement ? D’autres personnages singuliers peuplent le roman, tous bien campés, tous intéressants à leur façon, tous « consistants ». On sent indéniablement que les auteurs sont des rôlistes chevronnés en plus d’être d’excellents conteurs.
Somme toute, il n’y a pas un instant pour s’ennuyer entre ces pages, pas un où l’on lève les yeux devant une facilité, et il est bien difficile de lâcher l’ouvrage avant d’avoir atteint la dernière page. Tout est réussi : la narration, le cadre du récit, les personnages, l’hommage, et la lecture est un plaisir de bout en bout.
Que demander de plus ?
— Erkekjetter