Avec ce roman, publié en 1994 et récompensé d’un Prix Otherwise, d’un Prix Mythopoeic, nommé également au Prix Locus, Elizabeth Hand nous invite à suivre Katherine Sweeney Cassidy, jeune étudiante en licence, alors qu’elle débarque sur le campus de la vénérable université des Archanges et de Saint-Jean le Divin (« Le Divin » pour les intimes) qui abrite une société secrète de magiciens, les Benandanti.
Il ne faut pas s’attendre, néanmoins, à une œuvre dans la lignée des Magiciens de Lev Grossman avant l'heure, à s’aventurer dans un Poudlard pour lauréats du Bac. Bien que Sweeney, par sa proximité avec deux étudiants particulièrement séduisants, Oliver et Angelica, va se retrouver mêlée malgré elle aux menées des Benandanti, elle sera délibérément gardée à l’écart de leur combat et la magie, bien présente pourtant, restera un mystère pour elle.
L’Éveil de la Lune dépeint avant tout la lutte millénaire entre le culte d’une Déesse à la fois mère et destructrice et d’une société visant à l’empêcher de régner de nouveau, une société majoritairement masculine et qui entend bien le rester. Il est donc difficile de choisir un camp et en revanche aisé de compatir aux malheurs de Swenney et de ses camarades impliqués sans le vouloir dans cet affrontement. La plume d’Elizabeth Hand rend à merveille l’ambiance envoûtante de ce campus bien particulier avant de faire évoluer ses protagonistes dans d’autres milieux et peint le portrait touchant d’une femme poursuivie par une expérience de jeunesse douloureuse. Elle offre également une réflexion intéressante sur les mythes anciens, notamment sur la religion minoenne et sa survivance dans des panthéons plus récents.
On peut cependant regretter qu’en brocardant les deux forces en présence, sans pour autant être dépourvue de sympathie à leur égard, Elizabeth Hand peine à proposer une alternative entre un patriarcat étouffant et un culte de la Déesse mettant en avant les femmes mais comportant des traits sanguinaires qui ne font pas vraiment envie. Certes, l’apparition de Dylan et sa relation avec Sweeney, la « résurrection » d’un personnage, peuvent laisser entrevoir un équilibre ou un compromis, mais aussi un statu quo qui ne résout guère les enjeux posés.
L’Éveil de la Lune n’est donc pas totalement abouti, n’offre pas une conclusion à la hauteur de ce qui a précédé. Son atmosphère étrange et ses personnages imparfaits et humains, parmi lesquels Sweeney bien sûr mais également Annie Harmon ou encore Baby Joe, sont toutefois des raisons suffisantes de se laisser inviter au Divin.
— Zakath