Mêler le héros de Conan-Doyle, grand défenseur de tout ce qui est logique, à l'univers Lovecraftien se définissant par des horreurs...indéfinissables, pourquoi pas ? D'autres pastiches existent sur le sujet, ainsi qu'un jeu-vidéo. Que faut-il retenir du livre de Lovegrove ?
Tout d'abord : qu'il est beau. Ensuite... disons que la préface nous présente James Lovegrove, décidant d'aller jusqu'au bout de son délire en se faisant non pas l'écrivain, mais la personne se contentant de nous amener les manuscrits oubliés du Docteur Watson. Un procédé qui pourra paraître naïf à la lecture.
Si Sherlock Holmes est connu du grand public et possède de multiples visages et facettes de caractère souvent très différentes, voire en contradiction les unes avec les autres selon les versions, Lovegrove choisit de nous présenter un Holmes jeune (de même que Watson) afin d'expliquer le fait qu'il ne ressemble pas à celui de Conan-Doyle (étant décrit comme d'âge mûr dans les romans de son créateur). Est-ce que ça marche ? Pas vraiment : le tout, pétri de bonnes intentions, n'en reste pas moins artificiel. Holmes n'existe pas, son esprit légendaire est plus téléphoné qu'autre chose et les quelques rares descriptions que l'on a du détective sont recopiées mots pour mots ou presque, de Conan-Doyle. On pourra ainsi facilement reconnaître la métaphore du terrier... Les dialogues sont maladroits eux-aussi, artificiels à trop vouloir recopier un phrasé proche des romans du XIXe siècle. Un phrasé qui n'est pas maîtrisé.
Pourtant, tout n'est pas à jeter : un passage émouvant est bien présent lorsque Watson évoque la manière dont il a retravaillé et remanié certains passages des aventures de Sherlock Holmes pour lui-même se permettre de faire son deuil dans une écriture cathartique. Et qu'en est-il de Lovecraft ? Disons que l'on a droit à tout ce qui dans l'imagerie populaire, constitue le mythe de Cthulhu. On ne prend néanmoins pas compte de toute l'horreur représentée, du fait d'une écriture trop froide et descriptive, correspondant bien plus à la partie « Sherlock Holmes ».Enfin, il y a l'enquête. A l'image du reste de l'ouvrage, celle-ci ne semble pas maîtrisée avec des indices tombant du ciel et des enjeux finalement peu définis.
Pour conclure, Sherlock Holmes et les ombres de Shadwell est un roman bancal,paré de bonnes intentions et de bonnes idées parfois, mais qui ne sait pas mélanger ses deux ingrédients principaux. On retiendra malgré tout l'objet-livre en lui-même, beau visuellement.
— Nephtys