Une poésie étrange règne-t-en Abyme, que Mathieu Gaborit nous propose de (re)découvrir par un sentiment de perte et de crépuscule. En Abyme, la beauté n'est pas la même qu'ailleurs : souvent l'ignoble est sublime et le lecteur doit jouer entre un dégoût parfois inné et humain, et l'émerveillement de Maspalio qui lui, humain, ne l'est pas.
Pourtant, on se retrouve vite envoûté non pas par la cité, mais par le souvenir qu'en porte le farfadet, ce souvenir ne correspondant plus en rien à la réalité. Le roman nous entraîne dans une mélancolie et une amertume tendre, nous dévoile une cruauté sombre, se vit presque comme le début d'un rêve sur le point de devenir cauchemar, et d'une ivresse pour peu que l'on y soit sensible.
En nous retranscrivant la beauté d'Abyme comme il le fait, Mathieu Gaborit nous offre en plus du récit, tous les sentiments de Maspalio sur ces choses qui ont été mais ne sont plus : la cité, sa jeunesse, les personnes ayant peuplé ses souvenirs.... Les seules choses qui finalement restent sans bouger, ce sont les sentiments, au grand dam du farfadet préférant se cacher dans son arrogance.
Si le travail d'introspection est fin, les scènes d'action savent donner du punch au roman et les péripéties interviennent au bond moment pour en faire rebondir l'histoire : il ne s'agit pas simplement du récit d'un vieil homme venant en pèlerinage dans sa cité et ses souvenirs. La lecture du premier cycle n'est également pas une obligation, il est aisé de s'intéresser aux personnages et tous, même ceux simplement croisés, portent leur histoire en eux et nous en livrent assez pour qu'ils peuplent le récit sans nuire à la lecture.
Le dernier chapitre propose quant à lui un souffle épique et intimiste tout à la fois, nous faisant refermer le livre et attendre la suite avec contentement.
— Nephtys