Paru en 1991, ce roman de Clive Barker peut au premier abord, de par sa longueur et son caractère atypique, sembler un gros morceau auquel s’attaquer, demandant donc une certaine motivation pour s’y colleter.
Si l’on se plonge dans ce pavé, le voyage en vaudra cependant largement la peine. Les premières pages paraissent offrir matière à un thriller ordinaire : un homme fortuné engage un mystérieux tueur pour assassiner son ex-épouse, puis pris de remords demande à un ancien amant de celle-ci de la protéger. On tombe en réalité bien vite dans un monde fantasmagorique, fait de divers univers parallèles (les Empires) formant l’Imajica, où l’on croise créatures fantastiques, tyrans, faux prophètes, déesses ou plus près de chez nous la Tabula Rasa, une coterie de gentlemen plus ou moins dégénérés décidés à éradiquer la magie.
Les personnages principaux ne sont pas non plus aisés à cerner d’entrée de jeu. Bien que l’on puisse deviner avant lui la véritable nature de Gentle, les protagonistes réservent quelques surprises aux lecteurs, comme ils s’en réservent à eux-mêmes, surprises qui font partir le roman dans des directions inattendues. Cette odyssée, des rues de Londres à la cité d’ Hapexamendios, sera l’occasion de croiser toute une galerie d’êtres parfois inquiétants ou monstrueux (Dowd, l’Autarch…), parfois attachants (Pie ‘Oh’ Pah, Huzzah…), tous singuliers, et les voir sortir de façon prématurée de l’intrigue ou au contraire y entrer tardivement malgré leur importance contribue à l’aspect déroutant de l’œuvre.
De plus, si cela ne surprendra guère les lecteurs de Clive Barker, et bien qu’il ait signé des textes autrement plus violents que celui-ci, Imajica n’en compte pas moins quelques passages gores ou crus, et l’on peut passer d’une page à l’autre du poétique au malsain.
À la fois parcours initiatique pour les personnages de Gentle ou de Judith, relecture de la figure de la divinité et des mythes chrétiens, roman onirique et horrifique, Imajica est une œuvre dense où le risque de caler peut pointer à l’occasion mais qui n’en reste pas moins toujours fascinante.
— Zakath