Dans cette nouvelle version de la légende arthurienne, Morgane se révèle sous un nouveau jour : elle est belle, brutale, rebelle et émancipée.
Mise à l'épreuve depuis son plus jeune âge, dans un monde où la justice se range du côté des lâches et des fourbes, et où la femme intelligente est reléguée au rang de sorcière malfaisante, Morgane apparaît comme une héroïne forte et déterminée, prête à reprendre son destin en main.
Plus qu'un simple hommage à la légende, Morgane est un récit adulte qui touche à des sujets extrêmement contemporains et ancrés dans la réalité. Malgré la noirceur du ton, cette œuvre très rafraîchissante n’est pas dénuée d’humour.
Simon Kansara nous offre un panel de personnages hauts en couleurs et souvent grotesques. Les chevaliers de la table ronde sont des brutes épaisses écervelées, le Père Blaise est un obsédé sexuel, Arthur est un benêt sans grandes ambitions et Merlin un froid pervers manipulateur qui œuvre dans l'ombre.
Le personnage de Morgane, au centre de l’histoire, oscille entre humour acide et furie vengeresse. Car dans cet univers patriarcal sordide, les femmes, toutes conditions sociales confondues, cherchent à tracer leur chemin. Morgane l’ambitieuse est prête à tout pour être enfin libre des hommes et de leur corruption, tant politique que magique.
L’histoire ne se contente pas de nous montrer Camelot et sa salle du trône mais nous entraîne au fin fond de forêts mystérieuses et gorgées de pouvoir, venant nourrir un mysticisme parfaitement servi par les dessins de Stéphane Fert dont les gammes chromatiques nous plongent, tout en finesse, dans un univers de violence et de sorcellerie.
Le style graphique est franc, pictural, percutant et ne laisse pas indifférent : Stéphane Fert, ancien étudiant en animation, nous offre de jolies planches aux dessins faussement naïfs et très stylisés. Les nombreux clins d’œil à de grands peintres, notamment à Gustav Klimt, un gimmick graphique survenant pendant les scènes de magie, enrichissent les illustrations. Si les scènes peuvent paraître caricaturales, c'est en grande partie dû à la théâtralisation de l'ensemble de l'œuvre. Stéphane Fert pose ses arrière-plans comme des décors et ses personnages prennent vie dans des attitudes rappelant Shakespeare.
Belle réussite scénaristique et graphique, l'ouvrage est un one-shot... Dommage, on en redemanderait bien.