C’est un fait, la fantasy s’inspire rarement de l’Antiquité, préférant réinventer encore et toujours un Moyen-Âge européen fantasmé. Il y a bien sûr des exceptions, mais elles sont généralement à chercher du côté de l’uchronie. Alors quand Mark Charan Newton propose une Vispasia plus qu’inspirée de la Rome antique pour sa nouvelle série, on ne boude pas notre plaisir.
Cette pure enquête policière mâtinée de politique voit Lucan Drakenfeld, officier de la Chambre du Soleil, garante de la paix sur le continent de Vispasia, rentrer dans sa ville d’origine suite à la mort de son père. Forum au cœur de la ville, liberté des mœurs, vin en amphores et sénateurs tout de blanc vêtus… À Tryum, tout est réuni pour que l’ont ait l’impression de se promener dans les rues de Pompéi avant la dommageable intervention du Vésuve (pour peu que vous ayez déjà visité les cités antiques autour de Naples, attendez-vous à des flashbacks !). La magie y est d’ailleurs si peu mise en avant qu’il pourrait presque s’agir d’une véritable cité romaine oubliée.
Le meurtre en chambre close de la sœur du roi donne lieu à un « whodunnit » classique mais de très bonne facture, avec son lot de suspects et de fausses pistes, qui trouve sa conclusion plusieurs dizaines de pages avant la fin du roman. Moins classique, mais cela permet de s’attarder sur les conséquences de l’affaire au niveau du continent tout entier. Le rôle de la Chambre du Soleil à Vispasia étant éminemment politique, l’auteur ne cède pas à la facilité en concluant simplement son enquête sur la révélation du coupable.
Le scénario tient suffisamment en haleine pour qu’on en oublie l’écriture vraiment terne. Avec des personnages et une histoire moins réussis, le style quelconque et le manque de transition entre les scènes, dignes d’un premier roman mal édité, seraient vraiment dommageables. Curieux, pour un auteur ayant déjà une série de quatre romans (Legends of the Red Sun) derrière lui… Il faut également se faire à ces ellipses omniprésentes, qui voient parfois les personnages passer d’un bout de la ville à l’autre entre deux paragraphes, sans même un saut de ligne pour prévenir le lecteur. Mais le fait que l’on continue à tourner les pages malgré tout en dit long sur l’intérêt de l’histoire.
La narration à la première personne permet de développer de façon intéressante le personnage de Drakenfeld et ses relations de famille compliquées. Sa garde du corps Leana et le sénateur Veron sont en revanche moins creusés et peut-être un peu stéréotypés, mais il n’est pas difficile de mettre cela sur le compte du narrateur-personnage principal. Un défaut que les suites à venir pourront facilement corriger.
Cette première enquête de Lucan Drakenfeld sous le soleil de l’Antiquité est une lecture vraiment plaisante. Au terme de 400 pages, et après un aperçu de ce dont la Chambre du Soleil est capable, le lecteur aura très certainement envie d’en savoir plus sur les autres nations de l’Union Vispasienne. À suivre, donc !
— Saffron