On le sait depuis la naissance du phénomène autrement dit depuis très longtemps déjà, mais rares sont les suites et/ou préquelles réussies, y compris quand le créateur original en personne se charge de revenir à son univers des années plus tard.
Et tout Neil Gaiman que soit l'auteur, avait-on vraiment besoin de retrouver Morphée et de découvrir de quelle manière celui-ci se retrouvait dans la situation qui était la sienne dès les premières pages de Préludes & Nocturnes ?
Sur le plan des intentions, l'auteur explique en tout cas que certaines scènes hantaient son imagination fertile depuis plus de vingt-cinq ans. Dans ce cas-là, on peut donc imaginer qu'il avait une idée plutôt précise de quoi proposer à ses lecteurs.
Et cela se confirme assez rapidement. Ces nouvelles aventures se révèlent à la fois plus modestes (après tout, il n'est question ici que de 6 numéros) et terriblement plus ambitieuses encore que ce à quoi il nous avait habitués. Comme souvent, Morphée voyage, fait des rencontres qui l'emmènent toujours plus loin et doit repenser ses liens familiaux. Bref, nous sommes en terrain connu, mais Gaiman fait preuve d'une maîtrise diabolique et d'un lyrisme parfois un peu abscons mais si intimement liés à certains moments bien précis de l'histoire de ce personnage qu'il fait partie intégrante de l'oeuvre.
Indéniablement, cette préquelle se révèle également d'une grande densité : autant dire que même après l'avoir lue deux fois avant de rédiger cette chronique, votre humble serviteur s'estime encore loin d'avoir percé tous ses mystères, sans parler de ses subtilités les plus secrètes. Impossible dans le cas présent de dissocier l'écriture de Gaiman des dessins et de la mise en couleur de J.H. Williams et Dave Stewart, qui, pour le premier, dans un style parfois singulier, impressionne à plusieurs reprises et pas seulement à l'occasion de quelques doubles pages. Très honnêtement, certaines planches se révèlent tout simplement renversantes.
Un mot de même sur cette édition collector, évidemment cartonnée et imprimée sur un papier de grande qualité. Elle offre tout simplement 40 pages de suppléments copieux : interviews diverses (de Gaiman, Williams, McKean...), croquis, etc, etc... Il faut bien reconnaître que DC Comics et Vertigo ont fait les choses bien. Mais cette bande dessinée méritait bien un tel écrin.
On aurait aimé encore plus, être tout bonnement happé au cœur du récit dès la première page, mais Gaiman, Williams et les autres ont opté - au-delà de certaines visions étourdissantes - pour une autre approche, plus introspective. Et finalement peut-être plus sincère encore.
— Gillossen