Retour au Young Adult / Jeunesse pour Estelle Faye avec ce premier tome, qui, d'emblée, nous dépayse.
Il faut bien avouer que c'est souvent depuis la lecture d'Astérix que l'on avait pas eu l'occasion de tester nos connaissances concernant les noms gallo-romains de telle ou telle ville française. Et encore, je concède que je crois bien n'avoir jamais entendu parler d'Andemantunnum auparavant.
Bref, le roman bénéficie donc d'emblée du choix de ce cadre atypique et ambitieux, car il faut ensuite s'y tenir sans en faire trop pour autant et en évitant donc de tomber dans la leçon d'Histoire. On en est loin ici, pour le meilleur. C'est avant tout l'intrigue et certaines de ses perspectives seulement en partie soulevées pour le moment qui retient notre attention de bout en bout. On apprécie ainsi que le récit gagne en profondeur dans la seconde moitié du roman, à travers par exemple ses seconds rôles, à commencer par un Aedon finalement nettement moins caricatural qu'on pouvait le croire au départ, dans le rôle et la posture du grand méchant de l'histoire et du frère ambitieux. Mais il n'est pas le seul et la "distribution" dans son ensemble ne démérite pas, tous jouant leur participation sans fausse note.
Et tout cela alors que le récit ne faiblit justement pas une seconde ; le roman se lit très vite, sans temps mort. Non pas parce qu'il se révèle spécialement court, mais bien grâce à une maîtrise de notre intérêt continuellement renouvelé de la part de l'auteur, qui signe là une nouvelle réussite à mettre à son crédit. Réussite qui passe également par le style : sans jamais en faire trop, Estelle Faye entraîne le lecteur sur les routes de son monde, qui prend vie sous les yeux du lecteur dès les premières pages. Ses mystères, sa magie discrète mais qui prend de l'importance au fur et à mesure, ses luttes intestines, entre montée du christianisme et anciens cultes... L'auteur sait toujours trouver le mot juste au fil des chapitres courts et nerveux qui se succèdent. Elle ne renonce pas d'ailleurs à une certaine noirceur, à l'image d'un final qui évidemment ouvre sur le tome 2 mais se révèle surtout plus sombre que l'on aurait pu l'imaginer au départ, après une cinquantaine de pages au déroulement très classique (une fuite de l'héroïne dans la nuit, bien vite rejointe par d'autres camarades de route).
Si l'on devait en fait trouver un bémol, ce serait peut-être dans la relation entre les deux personnages principaux, Thya et Enoch. Si celle-ci est dépeinte sans faux pas et avec justesse, elle n'en demeure pas moins globalement prévisible, jusque dans les hésitations de chacun des deux jeunes gens, qui, séparément, possèdent une vraie personnalité et s'avèrent eux aussi plus complexes qu'en apparence. Ne serait-ce que de par leurs caractéristiques. Ce n'est ainsi pas si souvent que l'on retrouve un maquilleur comme héros de roman ! Encore un point positif est-on tenté de dire.
Au bout du compte, ce premier tome vibrant de doutes et d'énergie est sans aucun doute l'une des lectures de la rentrée dans son registre. Et il ne vous est pas interdit de vous pencher dessus même si d'ordinaire vous n'êtes pas lecteurs de Young Adult ou de romans Jeunesse, une classification par ailleurs souvent perméable et artificielle. Mais ceci est un autre débat.
En attendant, c'est un titre indéniablement à découvrir !
— Gillossen