Lorsque l’on voit débarquer au rayon jeunesse un roman estampillé Tad Williams, il y a de quoi être curieux et enthousiaste. En plus, la couverture est très réussie, alors pourquoi se priver ? Sauf qu’au terme du roman, on en vient à se demander si Tad Williams n’a pas apposé son nom sur La Ferme des dragons pour que sa femme, Deborah Beale, soit publiée. Où est passée la plume de l’auteur de La Légende du noble chat Piste-fouet ?
Dès les premières lignes, la description des héros est si stéréotypée qu’elle en devient caricaturale. On perçoit la volonté des auteurs de décrire les enfants d’aujourd’hui - sauf qu’ils se plantent d’une bonne décennie - tout en étant englués dans des rapports sexués archétypaux (et dépassés) : le garçon joue aux jeux vidéo et la fille parle garçons avec ses copines. Ah, et leur mère, femme superficielle, fait plus attention à ses ongles qu’à ses enfants…
Heureusement, dès que l’on arrive à la Ferme Ordinaire, le récit évolue quelque peu grâce aux autres personnages. Les autres adultes sont alors mieux définis et gardent une part de mystère intéressante. L’oncle Gédéon qui accueille les enfants à la Ferme Ordinaire est ainsi suffisamment imprévisible pour surprendre le lecteur. Les personnages secondaires, comme Ragnar et Mr Walkwell, sont à la fois ombre et lumière et cette dualité suscite l’intérêt et l’attachement des lecteurs.
Autre point positif, la Ferme elle-même. Elle renferme des secrets surprenants (et quelques bonnes idées). L’architecture du lieu est intéressante, entre la ferme de Babe et la Maison Hantée. Cela permet de jouer sur les ambiances et de naviguer entre diverses atmosphères. Tad Williams et Deborah Beale se sont également plongés dans leurs bestiaires pour présenter aux lecteurs des animaux mythologiques que l’on ne croise que rarement. Mais cela ne suffit pas à donner aux lecteurs l’envie de tourner les pages.
Malheureusement, La Ferme des dragons est gêné par la construction même du récit. L’intrigue peine à démarrer, le rythme est lent et on a parfois l’impression que les fils de l’intrigue s’éparpillent. Il faut attendre le dernier tiers du roman pour que le rythme soit suffisamment soutenu et qu'arrive enfin une envie d'en savoir plus, d’avancer dans l'histoire… de lire tout simplement.
La Ferme des dragons est loin d’être un roman inoubliable, surtout si le nom de l’auteur vous a donné de hautes espérances. Dommage.
— Alethia