Nous avions abordé ce roman dans le cadre de l’une nos brèves, après l’avoir vu présenté comme l’anti-Trône de fer. L’auteur, déjà en bisbille avec John Scalzi par le passé, s’en prenant cette fois directement à George R.R. Martin.
Entendons-nous bien : ce dernier est loin d’être intouchable et le côté « écrivain chrétien » assumé de Vox Day n’est qu’une donnée comme une autre (il en va de même, renseignements pris, de son point de vue sur l’immigration mexicaine aux États-Unis : après tout, cela n’a rien à voir avec le roman lui-même).
Au bout du compte, après avoir dû avaler plus de 800 pages (en version Kindle), il apparaît que ce Trône d’ossements n’est pas tant un anti-Trône de fer exaltant le courage et la bonté qu’un roman de fantasy épique finalement plutôt générique. Ni brûlot ni purge infâme (l’auteur n’en est pas à son premier roman et cela se sent), A Throne of Bones serait sans doute passé inaperçu, si ce n’est par sa taille, et encore, sans la polémique qui l’entoure.
Sachez tout d’abord qu’il ne reprend que vaguement la trame de la saga de George R.R. Martin : on retrouve une mort imprévue risquant de plonger le monde dans le chaos et une menace surnaturelle, mais le tout s’avère tout de même très loin de suivre au rebondissement près le Trône de fer. Et c’est d’ailleurs tant mieux.
Il reprend en tout cas le principe des chapitres relativement courts racontés par le biais de tout un tas de points de vue différents. Si ce n’est que cette narration éclatée finit par l’être tellement que l’ensemble perd en cohérence. Il faut dire que pour être certain sans doute de ne pouvoir être accusé de se perdre en longueurs inutiles, Vox Day mène sa barque si vite que l’on peine non pas à suivre mais à s’impliquer véritablement dans le récit.
L’auteur multiplie également les références au point d’aboutir à un drôle de mélange qui n’a pas vraiment de consistance propre. On passe de la Rome antique (période république) aux fiers Vikings en passant par le Moyen-Âge, le tout avec des Orcs, des loups-garous ou des elfes sans réelle personnalité… Bref, un assemblage fait de bric et de broc amusant mais qui donne tout de même une couleur étonnamment amatrice à l’ensemble, contrastant assez nettement avec une écriture passe-partout mais toujours au service de l’intrigue.
Et quand l’intrigue justement sait prendre son temps, elle se révèle pourtant digne d’intérêt. De là à émettre de réels regrets ? Ne nous montrons peut-être pas trop téméraires. En admettant que Vox Day ait doté son histoire d’un fil directeur plus évident, ait ralenti le rythme de certains passages ou ait moins misé sur l’action à grande échelle, il n’en aurait pas écrit un grand roman pour autant. Difficile à l’inverse de le considérer comme paresseux. Outre sa longueur, le roman affiche donc de grandes ambitions et dépeint par exemple un clergé moins caricatural que d’ordinaire (encore heureux, vu l’auteur), ce qui n'est pas désagréable.
Épiphénomène surfant sur la vague créé par un autre, A Throne of Bones ne peut guère se prévaloir d'aller au-delà de son point de départ revendiqué, malgré une nature plus contrastée qu'il n'y paraît. On pourra toujours féliciter son auteur : à l'image du cas de votre serviteur, il est facile de faire quelques ventes en préparant bien son plan de communication...
— Gillossen