Dès sa sortie en 2011 outre-Atlantique, le premier roman de Bradley P. Beaulieu fut l'objet de nombreux parallèles le comparant aux romans de la littérature russe classique, essentiellement dans le ton, un ton qui rejaillit cela dit logiquement sur le fond et la façon d'aborder les choses.
Est-ce vraiment le cas ? Ces comparaisons reviennent-elles pour de bonnes raisons ou s'agit-il des conséquences d'une communication bien maîtrisée ? Les références citées par l'auteur sont apparemment plutôt à rechercher du côté de J.R.R. Tolkien, George R.R. Martin, C.S. Friedman, Guy Gavriel Kay ou encore Glen Cook, mais nul besoin d'être grand clerc pour se rendre compte, si vous avez déjà lu du Dostoïevski, pour n'en citer qu'un, qu'il y a bien un petit quelque chose.
Dans la façon dont les personnages nous sont décrits, dans leur parcours, dans les épreuves qui forgeront leur caractère au creuset de leurs douleurs... Oui, il était logique de se méfier, tant les premiers romans ont tendance à se voir affubler de toutes les comparaisons possibles et imaginables afin de tenter de capter l'intérêt d'un lecteur qui dispose aujourd'hui d'une offre plus pléthorique que jamais. Mais dans le cas présent, il n'y a vraiment pas de quoi se sentir floué. Le charme opère dès les premières lignes du roman. Le seul regret que l'on pourrait formuler à ce niveau provient de l'utilisation de termes rappelant ce lien de façon un peu trop factice alors que cette histoire de rédemption y parvient par elle-même sans difficulté.
S'appuyant sur des dialogues toujours à même de faire avancer l'intrigue et une plume à fleur de peau qui réussit à ménager de très beaux moments de lecture en nous plongeant dans l'univers tourmenté de cet archipel, Bradley P. Beaulieu mise également beaucoup sur les relations amoureuses de ses personnages, sans jamais tomber dans la romance à l'eau de rose, influences obligent. Mais l'auteur peut également compter sur un univers solidement bâti et encore loin d'avoir été totalement exploré (à l'image de tout ce qui concerne la magie) et une galerie de personnages principaux loin d'être unidimensionnels.
En somme, de la belle ouvrage, que l'on pourrait rapprocher également des romans de Guy Gavriel Kay, un Kay qui n'aurait cependant pas encore tout à fait la pleine maîtrise de son talent et sa rigueur narrative - The Winds connaît parfois quelques baisses de régime côté rythme... - mais il y a là bien pire en terme de comparaison, une fois de plus.
A découvrir !
— Gillossen