Nous y voilà. Le début du commencement. Comme le rappelle Steven Erikson en avant-propos, Dust of Dreams est en effet la première partie du diptyque qui met un point final à cette immense saga qu’est le Livre malazéen des glorieux défunts.
La construction du roman pris seul est donc très différente de ce à quoi nous avait habitués l’auteur, à savoir des livres proches du one-shot, avec un début, un milieu et une fin bien définis au sein d’une série de plus grande envergure. Erikson se permet donc par exemple son tout premier cliffhanger du cycle. Et quel cliffhanger ! A ce titre, il est d’ailleurs vivement conseillé de lire Dust of Dreams et The Crippled God dans la foulée, non seulement parce que la fin du premier vous incitera fortement à vous jeter sur le second, mais surtout parce que les deux tomes constituent un tout cohérent, avec une construction narrative s’étalant sur les quelques 2300 pages de ce final explosif.
Difficile, donc, de critiquer Dust of Dreams comme une entité indépendante et ces lignes ne sont ainsi rédigées que maintenant que la lecture de The Crippled God est achevée.
Un simple coup d’œil aux neuf pages de dramatis personae permet de s’en rendre compte rapidement : ce neuvième tome s’annonce dès le départ épique mais surtout pivot pour l’intrigue, avec des personnages issus des différents arcs développés dans les romans précédents. Et c’est là que l’on se rend compte d’une des très grandes forces du Livre malazéen : le fait que tous les évènements de la saga ont été scénarisés à l’avance. Ainsi, tout au long de la lecture, on entend le léger clic des pièces de puzzle qui s’assemblent, des pièces que l’on tenait en main parfois depuis le premier tome, Les Jardins de la Lune.
Cependant, la construction de Dust of Dreams pourrait bien surprendre certains lecteurs. En débutant un grand nombre de nouvelles intrigues pendant tout le roman et en ne dévoilant que maintenant l’enjeu ultime de la série, celui dont le dénouement conclura le Livre malazéen, cette première partie n’apparaît pas d’emblée comme l’épilogue d’une grande saga, où tout ne serait qu’action, grandes batailles et révélations fracassantes. Dans un schéma de départ proche des tomes précédents, Steven Erikson prend son temps pour positionner les pièces du jeu d’échec qui décidera du sort du monde et pour poursuivre les réflexions qu’il a développées depuis plusieurs années. Bien entendu, les tragédies et les batailles épiques sont encore au rendez-vous (à ce titre, Dust of Dreams se termine en apothéose par une bataille qui se place facilement aux côtés de la Chaîne des Chiens, de Capustan et d’Y’Ghatan parmi les évènements les plus marquants du cycle) mais il est conseillé d’aborder les deux derniers tomes de la même manière que les autres livres malazéens, de peur d’être déçu par un rythme plus lent que ce à quoi on aurait pu s’attendre pour un grand final.
Toujours est-il que ce neuvième tome du Livre malazéen évite le piège de la mise en place longuette en préparation du dernier roman et propose assez de moments grandioses et de surprises pour dépasser le simple statut de « première partie ».
Suite et fin avec la critique de The Crippled God.
— Merwin