Au-delà des polémiques diverses attachées à son parcours, souvent hors bibliographie, Orson Scott Card reste tout de même un auteur de poids dans le paysage de la SF et de la Fantasy, et cela n'est pas sans raison. Le voir s'intéresser ces derniers temps au lectorat Jeunesse (avec ce premier tome mais aussi Pathfinder publié l'an passé de son côté) avait dès lors de quoi attirer notre attention.
D'autant que l'on avait déjà pu lever le voile sur l'univers de cette nouvelle série à travers la (longue) nouvelle Stonefather publiée il y a quelques temps dans le recueil Wizards. Et nous avions refermé le recueil en question avec une impression plutôt favorable, même si l'on se rend compte rapidement que la nouvelle elle-même n'avait finalement que peu de rapport avec l'intrigue principale de ce premier tome.
Un premier tome qui se pose clairement comme un volume d'introduction, avec toutes les limites que cela peut comporter. L'auteur aborde des thématiques intéressantes même si elles lui sont souvent familières, propose des personnages intrigants, des concepts qui ont de quoi susciter une certaine réflexion chez les jeunes lecteurs, le tout avec suffisamment de métier pour séduire les amateurs de 7 à 77 ans. Mais l'impression de rester sur sa faim persiste longtemps, malgré le talent de conteur de Card, toujours présent au détour des pages.
En réalité, sans être fade, l'histoire elle-même ne réussit pas à captiver totalement l'imagination du lecteur. Difficile dès lors de se détacher de ce sentiment de tiédeur, de réserve polie, même si certaines scènes sont loin d'être mièvres. On ne parlera pas pour autant d'indifférence, car l'auteur peut donc compter sur des points forts toujours évidents, d'une certaine richesse narrative en passant par son talent pour donner une véritable voix à ses protagonistes.
Malheureusement, tout cela ne suffit pas, d'autant que le roman s'avère tout de même bien court. Conséquence, Card semble souvent se précipiter, comme s'il avait trop d'idées et pas assez de pages pour les exploiter pleinement. Ce constat prend même un tour tout bonnement maladroit quand il lui faut aborder quantité d'explications - davantage à destination du lecteur que des personnages qui peuplent cette histoire - qui gâchent en partie la fluidité de l'intrigue. En somme, des erreurs que l'on imaginerait plutôt croiser chez des auteurs débutants et pas en lisant un roman signé d'un écrivain confirmé. La chose est même d'autant plus surprenante que Card ne semble pas prendre ses jeunes lecteurs, cible première de ce roman, pour des idiots.
Mais, à l'image d'une conclusion abrupte et ne faisant que renforcer l'impression de rester sur le seuil de tout un univers en attendant qu'on veuille bien nous laisser entrer, on ne peut s'empêcher de se dire qu'Orson Scott Card n'est pas cette fois l'hôte qu'il a déjà été par le passé. Et pourtant, difficile de ne pas se montrer curieux en songeant à la suite à venir !
— Gillossen