Avec Skin Trade (le The originel a disparu au passage), les éditions ActuSF ressortent des cartons une longue nouvelle de George R.R. Martin, auteur que l'on associe immédiatement de nos jours au Trône de Fer, voire seulement au succès de sa déclinaison télévisée, Game of Thrones.
Mais difficile d'accuser pour autant l'éditeur de vouloir surfer sur la vague, quand il s'agit d'un texte d'une telle qualité, qui avait d'ailleurs décroché le World Fantasy Award de la meilleure novella en 1989. Oui, oui, 1989. C'est dire s'il a fallu attendre avant de pouvoir mettre la main dessus !
Mais c'est dire aussi, dès les premières pages, si le récit conserve toute sa puissance malgré le passage du temps, à l'heure de la Bit-Lit insipide qui se déverse dans nos rayons et d'une fantasy urbaine qui va rarement au bout de ses idées et préfère jouer la carte de l'humour pince-sans-rire.
Si Martin joue parfois la carte de l'humour au détour de quelques répliques, c'est bien la noirceur de son récit qui étonne. Une noirceur de plus en plus marquée au fil des pages, à mesure que l'on plonge dans les ramifications de cette intrigue qui semble de prime abord tout à fait classique dans le genre, avec son atmosphère de polar et ses personnages désabusés, en proie à l'irruption du surnaturel dans un univers qui sait se montrer inquiétant bien avant que la menace se précise.
Si le traitement des personnages principaux, Willie et Randi en tête, s'avère tout aussi efficace, l'auteur se distingue avant tout par la maîtrise de son intrigue, tendue, haletante, implacable. Un caractère implacable qui ne signifie pas pour autant que l'on voit venir de loin les rebondissements les plus percutants, au contraire. Là encore, Martin sait gérer avec un soin diabolique ses révélations, pour certaines tétanisantes.
Cependant, rassurez-vous, il ne s'agit pas pour l'auteur d'un pur exercice de style désincarné, loin de là. Si Martin est brillant, il n'en oublie pas pour autant ses personnages, leurs doutes, leur trouble, leur désespoir. En cela, on retrouve justement le ton Martin, propre à chacune de ses productions.
Sans un mot de trop, flirtant souvent avec l'horreur (et si l'on ne dira pas que l'on a vraiment peur, la tension est palpable...), Skin Trade s'affirme comme un texte, si ce n'est majeur, du moins savamment troussé, doté d'une ambiance sombre et d'un final glaçant, mais pas totalement dépourvu d'un soupçon d'espoir, telle une bonne série B nerveuse et sans concession.
Pour conclure, le dossier George R.R. Martin d'ActuSF n'apprendra pas forcément grand chose aux lecteurs quelque peu au fait du parcours de l'auteur, mais il n'en est pas moins exhaustif. Et l'on ne reviendra pas ici sur la préface signée de notre Gillossen national.
Dans tous les cas, voilà une acquisition évidente.
Mise à jour de décembre 2019 :
Publication d'une édition collector.
— Vermithrax