Hommage revendiqué à Joseph Conrad et son Au coeur des ténèbres, le parallèle devient évident au bout de quelques pages, si ce n’est dès la première. Cette plongée au cœur d’une nature primitive faisant ressortir les instincts les plus primaires de la nature humaine se révèle d’ailleurs plutôt efficace transposée dans l’univers de La Geste des Chevaliers Dragons, du moins sur le plan de l’ambiance.
C’est là l’aspect le plus réussi de l’album : poisseux, moite, sombre, de plus en plus désespéré... La progression vers la folie et l’irrévocabilité, la perte des repères des personnages et surtout de Marly, elle-même trouble, le poids de la forêt, tout cela se sent vraiment à la lecture, au fil des planches.
Pour autant, on ne peut pas parler de franche réussite. L’intrigue en elle-même se délite assez vite, quand bien même cela peut s’avérer logique étant donné le développement du récit, et les personnages n’ont rien de bien charismatiques ou attachants. Mais l’album pêche aussi par ses dessins. Si certains décors et les créatures hantant la forêt se révèlent assez réussis, le trait de Fabrice Meddour est parfois maladroit, sans compter des soucis de proportions au niveau de ses personnages humains. De quoi parfois contribuer à faire sortir le lecteur de sa bulle, alors que cette histoire joue avant tout sur son atmosphère lourde. Une atmosphère qui joue également sur une certaine lenteur, qui là encore pourra égarer une partie de ses lecteurs dans les méandres de cette jungle… Et quid du dragon ?
Renouvelant, comme toujours, une partie de sa formule, sans vraiment en changer – on se demande ainsi pourquoi l’héroïne apparaît cette fois à moitié dévêtue scénaristiquement parlant – voici donc un album de plus qui devrait sans doute contenter les fans mais n’apporte finalement pas grand chose de neuf à la mythologie de la série.
— Gillossen