Précédée d'une réputation flatteuse, - le roman a déjà été plusieurs fois réédité en Espagne, où il a rencontré un véritable plébiscite - il va s'en dire que cette Chronique de Tramorée était attendue de pied ferme !
De la bonne High Fantasy parvenant à transcender les limites et les poncifs du genre, voilà qui n'est tout de même pas si courant. Eh bien, nous n'allons pas vous faire attendre plus longtemps chers visiteurs, le pari est réussi !
Javier Negrete manie de main de maître une plume inspirée et élégante, mais sachant aussi se faire truculente, toujours fluide, à laquelle la traduction ne semble pas avoir porté préjudice. Le tout sans excès, au service d'une histoire renvoyant aux plus illustres exemples de cette catégorie, quand elle ne s'impose pas déjà comme leur égale.
L'auteur ne s'inspire pas seulement de classiques, mais s'impose également en fin connaisseur des mythes et des cultures, talent dont il avait déjà pu donner un aperçu dans son Dernier voyage d'Alexandre le Grand. S'abreuvant de fait à une multitude de sources, grecques, celtes, ou bien encore perses, il crée là un formidable creuset, portant notre imagination à ébullition. Son monde possède des accents de démesure ou de poésie, tour à tour, sans fausse note.
Voilà le lecteur qui découvre à chaque page les preuves d'une authenticité frappante, se ralliant à l'auteur précisément car celui-ci sait être à la fois si proche et si éloigné des légendes et croyances de notre propre monde, tout en aboutissant à une création libérée et originale. On pense à Burnett Swann, à Jack Vance, mais tout aussi bien à Howard, lui aussi érudit fondateur de contrées qui font encore rêver des décennies plus tard...
Pour autant, les personnages et l'intrigue elle-même ne s'en retrouvent pas délaissés, et heureusement ! Les premiers révèlent des caractères variés, entiers et vivants, quant à la seconde, quelques étapes obligées ne l'empêche pas de tisser une tapisserie de passions et actes enflammés, de premier choix, vous l'aurez déjà deviné.
Une fois dévorées ces 500 pages, une certaine nostalgie s'empare presque aussitôt du lecteur, comme si, le temps de quelques heures, il avait justement levé le voile sur un monde et ses héros oubliés dans les limbes du temps, eux qui pourtant nous semblaient si réels et enchanteurs à la fois...
Vivement la suite !
— Gillossen