Avec Nation, Terry Pratchett délaisse un temps le Disque-Monde pour investir le champ de la littérature jeunesse (bien que tout le monde puisse évidemment le lire) et de l’uchronie, à travers un roman mettant en avant la différence et la réflexion sur le concept même d’appartenance, n'hésitant pas à flirter avec le conte philosophique, quand il ne l'embrasse pas carrément.
On retrouve en tout cas son humour et son style inimitable, notamment dans le cadre de ses dialogues. Le propos du roman se veut d’ailleurs ambitieux et cette histoire de (re)découverte, de soi comme des autres, éveillera, on l’espère, des considérations nouvelles que l’on passe trop souvent sous silence. À ce titre, la conclusion du roman constitue une véritable réussite, qui pourrait même arracher quelques larmes aux cœurs les plus endurcis.
Plus encore qu’avec les Annales, différents niveaux de lecture sont bien présents dès les premières pages. Les plus jeunes apprécieront sans doute la dimension aventureuse du récit, son cadre, son humour, tandis que les plus âgés seront probablement plus sensibles aux thématiques sous-jacentes développées pour l’occasion par l’auteur (et elles ne manquent pas ! A commencer par la question du rapport entre ses intérêts personnels et ceux de la collectivité à laquelle on appartient), qui s’engage et adopte un point de vue comme souvent aussi pointu que mordant.
Tout en sachant éviter l’écueil de la leçon de morale (heureusement, nous ne nous trouvons pas sur le lagon bleu...). Le plus souvent. Plus on approche de la conclusion du roman, et plus l’auteur semble toutefois accentuer cette dimension bien précise de son histoire. De même, il faut bien reconnaître que les personnages eux-mêmes, qu’il s’agisse de Mau et de Daphné comme des seconds rôles, ne sont pas des plus construits, apparaissant un peu trop souvent simplement au service du propos que l’auteur cherche à illustrer ou mettre en avant.
On aurait apprécié un peu plus de maîtrise à ce sujet, même si, avec Pratchett, nous sommes évidemment habitués depuis longtemps à certaines personnalités de prime abord quelque peu... outrancières. Bien que les choses soient sensiblement différentes dans le cas présent.
Il n’en demeure pas moins que Nation représente une incontestable réussite, et, pour une fois, on ne s’étonnera pas de voir que le roman ait été salué par la critique et récompensé à moult reprises, dont très récemment encore.
— Gillossen