Après avoir consacré un tome pour étudier chacun des deux peuples se partageant la contrée, Loïs McMaster Bujold a fini par constater l'apparente incompatibilité entre les deux parties. Avec ce troisième tome, elle va tenter, via ses héros, de passer outre ce fossé pour que la tolérance et le respect mutuel tissent des liens entre les Marcheurs du Lac et les Fermiers.
Dag et Faon, aujourd'hui pleinement mari et femme, symbolisent ce projet de fusion entre les peuples qui vont peu à peu apprendre à se connaître. La tâche n'est pas facile car ils devront, ici, compter sur les incompréhensions mutuelles, le rejet de la différence et surtout sur Crâne, un alter ego négatif de Dag qui n'aura de cesse de les éliminer.
Habilement tourné par une plume talentueuse, ce récit coule avec fluidité, à l'instar du fleuve La Grâce que descendent nos héros au gré de leurs pérégrinations.
Mélange original de roman d'aventure, de fantasy et d'histoire romantique qui rappelle par moment le cycle d'Alvin le Faiseur par son cadre terre à terre, ce tome se focalise sur la psychologie des personnages et le rapprochement entre les peuples. Servie par des figures charismatiques tels que la vive et espiègle Faon et le solide Dag, la trame intègre aussi de nouveaux arrivants qui complètent la galerie de personnages à l'instar de Remo, jeune patrouilleur tourmenté par son erreur passée, ou encore la jeune chef de bateau à la recherche de son amour disparu.
Sans défaut sur la forme et le fond, on peut certes reprocher au bout de trois tomes le manque d'ambition et de flamboyance de ce cycle, après avoir dévoré les splendides sagas de Chalion et de Miles Vorkosigan. Bien que le choix soit pleinement assumé, l'intérêt ne peut manquer de baisser par moment. De même, certaines situations apparaissent trop caricaturales avec quelques retournements de situation forcés pesant sur l'intrigue.
Mais après avoir lu ce livre avec néanmoins un certain plaisir, on s'aperçoit que l'auteur, en changeant de style, nous démontre avec son talent coutumier qu'elle peut écrire plusieurs histoires très différentes sachant rester toutes aussi plaisantes à lire en touchant des publics divers.
— Belgarion